Le 4 décembre 2019, le Conseil d’Etat français a, à la requête de la Fédération bancaire française, saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles importantes sur la légalité des activités des Autorités européennes de surveillance (AES) (voir annexe 1 ici).
La CJUE est interrogée sur le point de savoir dans quelle mesure l’Autorité bancaire européenne disposait de la compétence pour adopter une orientation sur la gouvernance des produits de détail.
Même si l’affaire ne concerne que l’Autorité bancaire européenne et ne porte que sur une orientation donnée, la position de la CJUE vaudra pour les trois AES, donc également l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP). Elle est susceptible de présenter de la pertinence pour tous les actes adoptés par les AES au niveau III, à savoir les recommandations, les orientations, les « simples » avis, mais aussi les actes atypiques du style Q & A.
La CJUE devra examiner au préalable comment elle peut être saisie d’une demande visant à lui faire contrôler la légalité des actes des AES. Ces actes peuvent-ils faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne et à l’initiative de qui (opérateurs bancaires, financiers, d’assurance voire leurs associations professionnelles) ? En cas de réponse positive, peuvent-ils néanmoins donner lieu aussi à un renvoi préjudiciel en validité de la part des juridictions nationales ?
Cette affaire est peut-être le début de la fin d’une tendance des AES à excéder leurs pouvoirs – sur laquelle l’attention a déjà été attirée, voir annexe 2 ici). Souvenons-nous notamment de l’avis de l’AEMF sur les classes d’actions dans le domaine des fonds d'investissement.
La simple existence de ce renvoi préjudiciel en validité devrait être de nature, avant même l’arrêt de la CJUE, à ce que les AES fassent plus attention aux règles de droit européen qui s’appliquent à elles. A tout le moins, elle devrait les inciter à davantage prendre en compte les objections de droit européen, liées aux limites de leurs pouvoirs, que les opérateurs bancaires, financiers, en assurance et leurs associations professionnelles seraient amenées à soulever.
Nous vous tiendrons au courant des évolutions de cette affaire, qui s’inscrit dans le contexte plus large d’un contrôle juridictionnel grandissant des actes des autorités monétaires, bancaires et financières européennes ainsi que l’atteste la jurisprudence récente vis-à-vis de la Banque centrale européenne et du Conseil de résolution unique.