24/01/19

Maladie professionnelle – reclassement interne- comportement réfractaire de l’employeur – absence injustifiée (non) – licenci…

La société S1 (Lux) GmbH reproche à A dans son courrier de licenciement avec effet immédiat les faits suivants :

– un abandon de poste consécutif à un refus de travail en date du 2 février 2016.

La société S1 (Lux) GmbH expose qu’elle a, en la personne de sa gérante, B, convoqué le salarié pour le 2 février 2016 sur son lieu de travail pour lui attribuer des travaux à exécuter sur le chantier S2 (S2) à Echternach, travaux consistant d’après elle en des travaux légers de rangement, de nettoyage et de balayage conformes aux indications médicales du médecin de travail C ;

que cependant vers 9 heures, A est revenu dans les bureaux de l’employeur pour indiquer, sans autres explications, qu’il n’exécuterait pas les travaux lui impartis pour ensuite quitter son

poste de travail et ne plus y revenir.

– une absence injustifiée subséquente jusqu’au jour du licenciement, soit 24 jours de travail ou un mois de calendrier.

La société S1 (Lux) GmbH qui reconnaît s’être vu transmettre un écrit l’informant que A avait la possibilité de suivre entre le 15 février et le 26 février 2016 un traitement semi-stationnaire dans une clinique de Trêves, précise cependant ne pas savoir si le salarié a réellement participé à cette thérapie et ne pas avoir reçu un certificat médical pour la période litigieuse.

Ces absences n’étant pas contestées par le salarié, et dès lors que la présence du salarié au travail est une obligation de résultat, il lui incombe de prouver la raison de ses absences.

Ce dernier conteste que son absence ait été injustifiée.

A se prévaut du courrier du 29 janvier 2016 du Service de Santé au Travail de l’Industrie (SSTI) dans lequel le médecin du travail C constate que l’entreprise n’a fait à ce jour aucune proposition de changement de poste et qu’il lui a donc été impossible de valider la reprise du travail de A sur un poste adapté à ses capacités résiduelles, pour soutenir que sa reprise du travail n’a aucunement été validée par le médecin du travail, de sorte que son absence depuis le 2 février 2016 fut justifiée.

A titre subsidiaire, il expose encore que les périodes d’absences prétendument injustifiées sont au contraire justifiées par des certificats médicaux.

La Cour relève les rétroactes suivants :

Suite à sa maladie professionnelle contractée lors de l’exécution de son contrat de travail, A est, par courrier du 8 janvier 2016 de la Commission mixte, reclassé interne auprès de la société S1 (Lux) GmbH.

Le 7 décembre 2015 déjà, soit avant la décision de reclassement interne, la société S1 (Lux) GmbH écrit à l’Adem qu’elle n’a, à l’exception des travaux de chantier, aucun autre poste de travail à mettre à disposition du salarié.

L’hostilité de l’employeur à reclasser en interne son salarié perdure, de sorte que le médecin du travail est encore obligé de constater en janvier 2016 que la société S1(Lux) GmbH ne l’informe pas des postes adaptés à soumettre à son salarié, l’empêchant en conséquence de valider la reprise du travail de A.

C’est de façon erronée que le tribunal du travail a interprété le courrier du 29 janvier 2016 du SSTI, alors qu’il en résulte clairement et sans équivoque qu’une validation de la reprise du travail par A n’a pas été possible, faute par l’employeur de faire des propositions concrètes adaptées aux capacités résiduelles du salarié, de sorte que le salarié, confronté au comportement réfractaire de son employeur, était effectivement autorisé à ne pas reprendre son travail.

Au cours du mois de janvier 2016 le salarié ne travaillait pas étant en incapacité de travailler entre le 11 et le 25 janvier 2016, ce qui, d’après l’employeur, l’arrangeait alors qu’il précise dans ses conclusions qu’il en a profité pour décider d’un recours ou non contre la décision de reclassement de A, pour finalement renoncer à intenter un tel recours.

En conséquence, l’employeur obligé de reclasser son salarié en interne, le convoqua sur son lieu de travail pour le 2 février 2016 et l’envoya faire des travaux prétendument légers sur un chantier à Echternach auprès de la société S2.

A conteste que les travaux qui lui ont été impartis étaient des travaux adaptés à ses capacités résiduelles, de sorte qu’il est retourné auprès de la gérante de la société pour l’en informer et à défaut de réaction de la part de cette dernière, il a quitté son lieu de travail.

S’il résulte de l’attestation du chef de chantier, D, qu’il a ordonné au témoin T1 travaillant sur le chantier S2 de donner des travaux légers à faire à A, T1 précisant lui avoir dit de balayer le sous-sol et de sortir les déchets, cette déclaration sans autres précisions, en présence des contestations de A ne suffit pas pour établir que l’employeur a véritablement respecté son obligation de soumettre à son salarié des travaux adaptés.

La Cour relève encore à cet égard qu’un salarié qui fait un refus de travail suivi d’un abandon de poste sans explications, ne retourne pas comme l’a fait A auprès de son employeur pour expliquer son geste, si ce n’est qu’il avait de bonnes raisons pour le faire.

Finalement, le comportement de l’employeur en date du 2 février 2016, ou plutôt l’absence de réaction de l’employeur face à un salarié qui refuse prétendument sans explication de travailler et quitte l’entreprise et qui commet partant en principe une faute grave, conforte la Cour dans sa conviction que le comportement du salarié était vraisemblablement justifié.

L’absence de réaction de l’employeur perdure encore par la suite pendant plusieurs semaines bien que le salarié ne se présente plus à son lieu de travail.

L’employeur explique que son comportement loin de constituer une absence de réaction face aux fautes du salarié, démontrerait plutôt la grande patience dont il a fait preuve à l’égard de A.

Cette explication ne convainc pas la Cour dans la mesure où un employeur hostile à un reclassement interne comme en l’espèce, n’a aucune raison de faire preuve de patience.

Au contraire, la Cour constate que la réaction de l’employeur, donc le licenciement coïncide avec la fin des deux semaines de thérapie du salarié, – dont l’employeur reconnaît avoir eu connaissance -, de sorte qu’il y a lieu d’en conclure que l’employeur savait que son salarié suivait cette thérapie qui lui avait été proposée déjà en janvier 2016.

Finalement, l’absence du salarié du 26 février 2016, date de la fin de sa thérapie, au 8 mars 2016, est expliquée dans le rapport de la clinique de Trêves du 3 mars 2016, qui certifie que A quitte la clinique « arbeitsunfähig » et que « eine Rückkehr an den alten Arbeitsplatz ist auch aufgrund des zerrüteten Vertrauensverhältnisses aus psychischen Gründen nicht zu emphehlen », les raisons étant exhaustivement expliquées par le médecin traitant dans le susdit rapport qui fait un constat

affligeant du reclassement interne du salarié.

Il suit des développements qui précèdent que l’employeur n’a pas établi que les absences de A étaient injustifiées, respectivement que ses absences constituaient une faute grave, de sorte que le licenciement est, par réformation, à déclarer abusif. (C.S.J., III, 28/06/2018, 44668).

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