Si un employeur qui a résilié le contrat ne peut plus revenir unilatéralement sur sa décision, il est néanmoins admis que les parties peuvent d’un commun accord, considérer un licenciement intervenu comme non avenu et décider que le contrat de travail continuera à sortir ses effets dans toute sa forme et teneur. Cet accord doit cependant être non équivoque.
Aux termes de l’article L.124-11(2) du Code du travail, l’action judiciaire en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail doit être introduite auprès de la juridiction de travail, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à partir de la notification du licenciement.
Il appartient à l’employeur qui oppose le susdit moyen de forclusion de prouver la date à laquelle le salarié s’est vu notifier le licenciement, soit pour l’avoir réceptionné, soit pour en avoir été avisé.
Il est constant en cause que la sàrl S1 a procédé à deux licenciements avec effet immédiat de A, le premier par un courrier portant la date du 23 décembre 2015 et le deuxième par un courrier du 5 juillet 2016.
Or, un licenciement est réalisé et sort ses effets au moment où l’employeur a définitivement et irrévocablement manifesté sa volonté de rompre les relations de travail. Cette manifestation résulte de la remise de la lettre de licenciement en mains propres du salarié ou par sa mise à la poste.
C’est dès lors à juste titre que la juridiction de première instance a retenu qu’il convient d’examiner si le licenciement du 23 décembre 2015 a eu pour effet de rompre immédiatement et définitivement les relations de travail. Il résulte des éléments du dossier que A n’a pas accepté que la lettre de licenciement lui soit remise en mains propres. L’employeur a donc posté la lettre de licenciement le 24 décembre 2015 à 8:39 heures.
Même si le salarié a contesté avoir réceptionné cette lettre au motif qu’elle n’a pas été adressée à son domicile à (…), ce dernier a cependant admis lors de la comparution personnelle des parties qu’il en a été avisé par le facteur avant la réunion entre parties du 31 décembre 2015.
Suivant les pièces et les attestations concordantes versées en cause par l’employeur, A a en réalité habité à l’adresse reprise sur l’envoi recommandé au moment du licenciement litigieux et non pas à l’adresse indiquée sur le certificat de résidence versé en cause.
Ce fait est corroboré par l’avis de passage du 28 décembre 2015 apposé sur la lettre recommandée adressée au salarié alors que le courrier n’a pas été retourné à l’expéditeur avec les mentions « parti » ou « n’habite plus à l’adresse indiquée », mais avec la mention « non réclamé ».
La Cour en conclut que A a été valablement avisé de la lettre de licenciement le 28 décembre 2015.
Ce dernier soutient cependant encore que le licenciement n’a pas connu de suites alors qu’il a continué de travailler après l’envoi de la lettre de licenciement sans en avoir été empêché par B. Les parties auraient également trouvé le 31 décembre 2015 un arrangement annulant le licenciement, respectivement le rendant « inopérant », raison pour laquelle il ne se serait pas déplacé à la poste pour
récupérer la lettre recommandée postée le 24 décembre 2015.
Si un employeur qui a résilié le contrat ne peut plus revenir unilatéralement sur sa décision, il est néanmoins admis que les parties peuvent d’un commun accord, considérer un licenciement intervenu comme non avenu et décider que le contrat de travail continuera à sortir ses effets dans toute sa forme et teneur. Cet accord doit cependant être non équivoque.
La Cour relève en premier lieu que compte tenu du congé pris par B jusqu’au 29 décembre 2015 inclus et de l’absence de A en date du 30 décembre 2015, B était dans l’impossibilité matérielle de renvoyer A à la maison. Il résulte, par contre, des éléments de la cause que dès qu’B a été informé par les autres salariés en date du 31 décembre 2015 que A est venu travailler, le gérant de la sàrl S1 a immédiatement enlevé au salarié la carte lui permettant d’avoir accès à l’ordinateur.
A ne saurait dès lors se baser sur le fait qu’il était encore présent sur son lieu de travail après le 23 décembre 2015 pour soutenir que l’employeur ne voulait pas donner de suites au licenciement.
L’employeur conteste par ailleurs que les parties aient trouvé un accord en date du 31 décembre 2015.
Le salarié ne produit pas d’écrit attestant le prétendu arrangement. Il ne produit pas non plus des pièces permettant de retenir, conformément à ses conclusions, qu’il a réclamé à plusieurs reprises un tel écrit à B à partir du mois de janvier 2016.
L’attestation de T3, père de A, suivant laquelle B lui aurait confirmé au téléphone à une date non autrement définie, au mois de janvier 2016, l’arrangement allégué, est contredite par les attestations testimoniales de T1 et de T2.
En effet, T1, qui est la seule personne à avoir assisté à l’entrevue entre A et B du 31 décembre 2015, atteste qu’B a fait savoir à A qu’il ne le voulait plus dans l’entreprise. Elle a précisé en outre qu’B a refusé la demande du salarié tendant à être licencié avec préavis tout en insistant sur le fait qu’il avait déjà été licencié.
T2 indique encore qu’au moment de quitter son bureau en date du 31 décembre 2015, A a prononcé à haute voix à l’égard d’B : « Du héiers vun mengem Affekot ».
Il suit des éléments qui précèdent que l’employeur n’était pas d’accord à revenir sur le licenciement avec effet immédiat et de continuer à payer un salaire à A pour un montant total équivalent à l’indemnité de préavis et l’indemnité de départ qui lui étaient dues en fonction de son ancienneté.
Il en résulte encore que les faits repris dans l’offre de preuve de A sont contredits par les éléments de la cause. Celle-ci est donc à rejeter.
Le fait que le salarié a continué à toucher son salaire jusqu’au mois de juin 2016 n’est, en présence des explications données par B lors de la comparution personnelle des parties, pas non plus suffisamment univoque pour permettre de conclure à l’existence de l’arrangement allégué par A.
En effet, B a expliqué qu’il s’occupait lui-même du volet expertise comptable tandis que son ancien associé C s’occupait de la gestion administrative de la fiduciaire, comprenant, entre autres, le paiement des salaires ; en raison de cette répartition des tâches entre lui-même et son associé en lequel il avait pleine confiance malgré le fait qu’il était le fils de A et du fait qu’ils ne se contrôlaient pas
l’un l’autre, il ne s’était rendu compte du fait que A continuait à recevoir son salaire, malgré le licenciement prononcé, qu’au moment où un contrôle de la TVA était annoncé et que lui-même devait faire diverses vérifications en remplacement de C, absent pour raison de maladie. Il ne résulte pas non plus des pièces versées en cause qu’B a effectivement contrôlé les paiements « multilignes » opérés par C au cours de la période de janvier à mai 2016.
L’attestation testimoniale de T4, n’est pas non plus de nature à établir un contrôle préalable des salaires par B. En effet, cette attestation formulée d’une manière générale, ne précise ni les dates ni le nombre des contrôles prétendument effectués par B ni les méthodes de contrôle prétendument employées par ce dernier pendant la période litigieuse permettant de conclure qu’il a nécessairement dû déceler la continuation du paiement d’un salaire à A, respectivement des éléments concrets permettant de conclure qu’il en était effectivement informé. L’offre de preuve par la voie testimoniale formulée est à rejeter pour les mêmes raisons.
Il suit de ce qui précède que l’accord allégué par le salarié laisse d’être établi.
Le licenciement du 23 décembre 2015 a donc mis fin aux relations de travail entre parties.
Il en suit que la deuxième lettre de licenciement postée le 6 juillet 2016 est sans effet.
Comme A n’est pas allé chercher la lettre postée le 24 décembre 2015 malgré le fait qu’il a été valablement avisé le 28 décembre 2015, le salarié est le seul responsable de la non-réception du courrier de licenciement, d’autant plus que l’employeur lui a confirmé le licenciement oralement en date du 31 décembre 2015 et qu’il avait encore le temps de le récupérer.
Le délai de trois mois imposé légalement au salarié pour faire valoir ses droits en justice a, dès lors, commencé à courir à partir du 28 décembre 2015.
La juridiction de première instance est donc à confirmer en ce qu’elle a dit qu’au moment du dépôt de sa requête, le 21 juillet 2016, A, qui n’a pas autrement contesté le licenciement du 23 décembre 2015, était forclos à agir et qu’elle a déclaré, en conséquence, ses demandes en allocation de dommages et intérêts pour licenciement abusif ainsi que ses demandes en paiement d’une indemnité
compensatoire de préavis et d’une indemnité de départ irrecevables.
Le licenciement du 23 décembre 2015 ayant mis fin aux relations de travail entre parties, c’est encore à bon escient que la juridiction de première instance a rejeté la demande du salarié tendant au paiement d’arriérés de salaires pour la période du 1er au 5 juillet 2016, sa demande en paiement d’une indemnité pour jours de congé non pris, ainsi que sa demande tendant à se voir délivrer des documents rectifiés et plus précisément le certificat de travail, le formulaire U1, l’original de sa carte d’impôt, le reçu pour solde de tous comptes et une fiche de salaire pour le mois de juillet 2016.
C’est finalement à juste titre et pour des motifs que la Cour fait siens que la juridiction de première instance s’est matériellement déclarée incompétente pour connaître de la demande de A tendant à être réaffilié auprès du Centre Commun de la Sécurité sociale. (C.S.J., 3ème, 17/05/2018, 44559).