L’absence injustifiée de A ne constitue pas automatiquement un fait ou une faute autorisant le renvoi immédiat du salarié, le juge devant encore apprécier la gravité suffisante du motif en tenant compte de toutes les circonstances entourant le congédiement.
Il y a lieu d’abord de relever que c’est à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont rappelé que la présence au travail constitue pour le salarié une obligation de résultat, que toute absence du lieu de travail doit être approuvée par l’employeur et qu’à défaut de pareille approbation, les absences invoquées revêtent le caractère d’absences non autorisées, partant injustifiées.
Ainsi que l’ont encore relevé à juste titre les premiers juges, il résulte des attestations testimoniales de E, responsable d’exploitation, et de B, agent d’exploitation, que A, suite à la panne de sa voiture survenue le 2 février 2015 en début de matinée, avait demandé d’avancer sa période de congé d’une semaine, dès lors à partir du 2 février 2015, mais que cette demande lui avait été refusée après
consultation des plannings. En particulier, il résulte de l’attestation testimoniale de E qu’ « après examen des absences de conducteurs, il n’était pas possible de donner une suite favorable à sa demande sans bouleverser les plannings d’activités
établis. Notre décision a été portée à la connaissance de Monsieur A lorsque celui-ci a rappelé en fin de journée pour connaître notre réponse (…) ». Ces dires ont été corroborés par B qui a précisé que « Mr. T1 m’a rappelé en fin de journée et je lui ai indiqué que ce n’était pas possible compte tenue des plannings ».
Ces déclarations ne sont pas ébranlées par celles de T1, épouse de A et de T2, beaupère de A, qui n’ont pas entendu, respectivement, n’ont pas assisté à l’entretien téléphonique que ce dernier avait eu avec B et qui se bornent à relater les dires de A au sujet de l’accord de ses supérieurs hiérarchiques pour décaler ses congés.
Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute les déclarations de E et de B.
Au vu des positions contradictoires adoptées par les parties tout au long du litige, il n’y a pas non plus lieu de procéder à une comparution personnelle des parties.
L’accord de l’employeur pour décaler le congé du salarié n’est dès lors pas établi.
A reproche encore aux premiers juges d’avoir estimé que son absence injustifiée était suffisamment grave pour justifier son licenciement. Il fait valoir que son absence ne fut pas d’une gravité telle qu’elle aurait justifié une rupture immédiate des relations de travail. Aucune désinvolture ne pourrait lui être reprochée, alors qu’il aurait contacté B à trois reprises pour avoir toutes les garanties nécessaires.
A se prévaut encore de l’absence de preuve d’une désorganisation dans le chef de la société S1 faisant partie d’un groupe de sociétés comptant des milliers de transporteurs. Ce serait dès lors à tort que les premiers juges auraient accordé une telle importance aux plannings d’activité établis de l’employeur, alors que dans la pratique les plannings dans une société de transports, sont souvent modifiés en raison des aléas réguliers de la route : grèves, intempéries, accidents, embouteillages, ce à plus forte raison qu’aucun client ne s’est jamais plaint de la qualité de son travail.
A fait enfin valoir qu’une seule absence en douze ans de travail ne justifierait pas un licenciement pour faute grave, mais tout au plus un licenciement avec préavis.
La société S1, au contraire, fait valoir que l’absence du salarié revêt une particulière gravité lorsqu’elle est consécutive à un refus de l’employeur de s’absenter, ou comme le prétendrait A, un refus suite à une demande de lui accorder un congé.
L’intimée insiste sur l’importance particulière que revêtait la livraison du 2 février 2015, alors qu’elle avait nécessité la mobilisation d’un engin de levage et que cette information, ensemble ses ordres de mission, avaient été communiqués à A le vendredi 30 janvier 2015.
Elle insiste finalement sur la perturbation que l’absence de A a eu sur le bon fonctionnement de l’entreprise, alors que C avait dû remplacer A dans l’exécution de sa tâche, ce qui avait entraîné un retard dans les tâches non seulement de A, mais encore dans celles initialement attribuées à C.
Il y a lieu d’abord de rappeler que l’absence injustifiée de A ne constitue pas automatiquement un fait ou une faute autorisant le renvoi immédiat du salarié, le juge devant encore apprécier la gravité suffisante du motif en tenant compte de toutes les circonstances entourant le congédiement.
En l’espèce, il est constant en cause que suite à la panne de sa voiture survenue le 2 février 2015 sur l’autoroute A31, A avait tout de suite prévenu son employeur en la personne de B en lui téléphonant à 6.50 heures ; qu’après le remorquage de son véhicule, il a retéléphoné à 11.08 heures à B pour lui demander s’il était possible de décaler son congé initialement prévu pour la semaine du 9 au 20 février 2015 à la semaine du 2 au 13 février 2015 ; qu’à 16.26 heures, il a recontacté une troisième fois B pour obtenir l’accord pour le décalage du congé et que vers 19.05 heures, il a communiqué à son employeur par courrier électronique les frais de route de
l’intervention de dépannage pour justifier la réalité de la panne.
Il résulte encore de l’attestation testimoniale de T2 que ce dernier avait proposé à son beau-fils de lui prêter son véhicule, puisqu’il est en retraite, mais que ce dernier lui a fait part en fin d’après-midi qu’il avait eu l’accord de ses supérieurs pour décaler ses congés et qu’il n’avait pas besoin de lui, ni de son véhicule. Ces déclarations ont été confirmées par celles de T1 qui a ajouté qu’au moment de la
réception du courrier de licenciement le 10 février 2015, elle était dans tous ses états, mais que son mari était serein et calme et tentait de la rasssurer, « étant persuadé qu’il s’agissait d’un malentendu, d’un problème de transmission d’information entre les services ».
Force est de constater qu’il ne s’agit en l’occurrence, pas comme tente de le faire croire la société S1, d’un comportement désinvolte du salarié suite à un refus de son employeur de lui accorder un décalage de congés, mais plutôt la résultante d’un malentendu entre A et ses interlocuteurs auprès de la société S1 à la suite d’un incident fâcheux que le salarié a essayé de résoudre au mieux des intérêts des deux parties.
Il s’y ajoute que toute absence d’un salarié entraîne nécessairement une désorganisation du service. Même s’il se dégage des pièces versées que le transport dont A était en charge le 2 février 2015 était important et que son absence avait nécessité la mobilisation en urgence d’un autre conducteur pour effectuer encore le même jour la livraison, ces éléments ne sauraient cependant suffire pour justifier le congédiement avec effet immédiat d’un salarié qui au moment de son licenciement justifiait d’une ancienneté de presque douze ans et d’un parcours sans faille dans l’entreprise.
Il suit des développements qui précèdent et, sans qu’il n’y ait lieu de procéder à une mesure d’instruction supplémentaire, que le licenciement avec effet immédiat du 6 février 2015 est à déclarer abusif et le jugement est à réformer en ce sens. (C.S.J., 14/12/2017, 43853).