L’employeur se prévaut comme en première instance de l’accord donné par le salarié pour la conclusion d’un contrat à durée déterminée, et reproche partant au tribunal du travail d’avoir, nonobstant le consentement des deux parties pour conclure un tel contrat, requalifié ce dernier en contrat à durée indéterminée.
L’accord du salarié pour la conclusion d’un contrat à durée déterminée, par ailleurs contesté par ce dernier, laisse, comme en première instance, d’être prouvé.
Dans la mesure où d’une part, les parties n’ont la faculté de conclure un contrat à durée déterminée conformément à l’article L.122-1 par.1 du code du travail que « pour l’exécution d’une tâche précise et non durable », où d’autre part, l’objet du contrat à durée déterminée de A signé le 8 octobre 2013 était exactement le même que celui fixé dans le contrat à durée indéterminée antérieur, soit la tâche de comptable, laquelle n’est pas une tâche précise et non durable, c’est à bon escient que le tribunal du travail a décidé de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
L’appel incident de l’employeur n’est partant pas fondé, de sorte que le jugement est à confirmer sur ce point.
L’appelant fait ensuite grief à la juridiction de première instance d’avoir déclaré sa demande en paiement d’arriérés de salaires irrecevable pour ne pas être chiffrée, alors que pourtant il avait posé « les contours » de la demande litigieuse dans la requête introductive d’instance en précisant le montant de son salaire mensuel à payer par l’employeur depuis la prise d’effet de la requalification, soit le 9 février 2014.
L’intimée maintient son moyen tenant à l’irrecevabilité de la demande en raison de son libellé obscur.
D’après les dispositions des articles 154 alinéa premier et 145 du nouveau code de procédure civile, la requête déposée auprès du tribunal du travail doit contenir, entre autres, l’objet de la demande et l’exposé sommaire des moyens de façon à ce que le défendeur ne puisse se méprendre sur la portée de l’action intentée contre lui, et à lui permettre de préparer utilement sa défense.
Or, en sollicitant dans le dispositif de sa requête la condamnation de l’employeur à lui payer « les arriérés de salaires à partir du 8 février 2014», le salarié n’a pas suffi aux exigences de précision quant au montant de la demande, qu’il n’a pas chiffrée et qui n’était pas non plus déterminable.
A cet égard, la Cour tient à relever qu’il importe peu que le salarié ait posé « les contours » de sa demande, en revendiquant le montant mensuel de son salaire à partir du jour de la prise d’effet de la requalification du contrat de travail, soit le 9 février 2014, dès lors que les exigences des articles du nouveau code de procédure civile ci-avant cités, doivent être respectées dans la requête introductive d’instance et non seulement être suggérées, de sorte à rendre impossible pour le défendeur toute défense utile et précise, et dès lors de lui faire grief.
L’appel principal interjeté par le salarié n’est dès lors pas fondé et le jugement est encore à confirmer en ce qu’il a déclaré la demande en paiement des arriérés de salaires irrecevable.
L’intimée réclame finalement à A sur base de l’article 6-1 du code civil des dommages et intérêts d’un montant de 5.000 euros pour procédure abusive et vexatoire.
Elle soutient que « l’abus de droit commis par l’appelant est manifeste, dès lors qu’il a fait une demande en paiement de salaires semblable dans une procédure pendante devant le tribunal du travail et qu’il a argué dans ses conclusions que « ce serait plutôt devant le tribunal du travail de Luxembourg et non devant la Cour qu’elle devrait dire que la procédure y entamée serait abusive ».
Aux termes de l’article 6-1 du code civil « tout acte ou tout fait qui excède manifestement, par l’intention de son auteur, par son objet ou par les circonstances dans lesquelles il est intervenu, l’exercice normal d’un droit, n’est pas protégé par la loi, engage la responsabilité de son auteur et peut donner lieu à une action en cessation pour empêcher la persistance dans l’abus. »
Ce n’est pas le fait d’avoir exercé à tort une action en justice, ou d’y avoir résisté injustement qui est sanctionné, puisque l’exercice d’une action en justice est libre, c’est uniquement le fait d’avoir abusé de son droit en commettant une faute indépendante du seul exercice des voies de recours, une faute intentionnelle, grossière équipollente au dol ou des actes de malice ou de mauvaise foi.
A a agi en justice pour obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et pour obtenir paiement d’arriérés de salaires.
Un chef de la demande fut accueilli favorablement par le jugement déféré ainsi que par le présent arrêt, à savoir la requalification du contrat de travail, et si pour la demande en paiement des salaires, le salarié n’a pas réussi à obtenir gain de cause, il n’est cependant pas établi que par l’introduction de son action et de son recours, il ait manifestement excédé l’exercice normal d’un droit.
Le fait qu’il ait introduit postérieurement au présent recours, devant le tribunal du travail une demande tendant au paiement d’arriérés de salaires, dont la Cour n’est pas saisie, n’implique ni nécessairement ni forcément que la présente action soit abusive.
La demande de la société B SA est partant à rejeter pour ne pas être fondée.
Tandis que A réclame une indemnité de procédure de 3.500 euros pour l’instance d’appel, la société B SA en sollicite une, par réformation, pour la première instance de 750 euros ainsi qu’une indemnité pour l’instance d’appel de 2.000 euros. (C.S.J., 27/10/2016, 42277)