Au 21ème siècle, tout le monde s’accorde pour dire, que le contrat de travail, qui se caractérise principalement par la présence d’un lien de subordination justifiant le pouvoir de direction, ne peut s’entendre comme une règle figée. A ce titre, si le principal droit reconnu à l’employeur est celui de pouvoir exiger du salarié la prestation de travail pour laquelle il est payé, il a également la possibilité d’en modifier les conditions pour les adapter aux contraintes qu’il rencontre.
Cette pratique est d’ailleurs pleinement ancrée dans les habitudes des cadres supérieurs qui mettent en œuvre un véritable pourvoir de direction, ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires de travail. Bien que salariés, ils bénéficient, d’une rémunération qui tient compte du temps nécessaire à l’accomplissement de leurs fonctions. De cette rémunération, qui doit être nettement supérieure à celui des autres salariés, découle comme contrepartie le fait qu’ils ne sont aucunement soumis aux dispositions légales concernant la durée du travail. De ce fait, les cadres supérieurs ne bénéficient pas du paiement des heures supplémentaires pouvant être prestées.
Un nombre considérable de contentieux devant les juridictions du travail porte d’ailleurs sur l’interprétation même du fait d’être cadre supérieur. En effet, bon nombre de salariés souhaitant se voir indemniser pour le paiement des heures qu’ils considèrent comme supplémentaires avancent comme argument le fait qu’ils ne répondent pas à la définition de cadre. Il appartient alors au juge, pour résoudre ce litige, de se prononcer sur le fait qu’il puisse relever ou non du statut cadre en fonction notamment de la rémunération et des fonctions du salarié. En tout état de cause, il est nécessaire pour les employeurs d’être vigilant quant à la qualification qu’il souhaite voir donner à leur salarié. En effet, le juge n’est en aucun cas tenu par la qualification donnée par les parties et peut tout à fait considérer comme non-cadre un salarié dont le contrat de travail prévoit ce statut. Il peut donc s’avérer dangereux pour l’employeur d’inscrire dans le contrat de travail le statut de cadre si le salarié ne répond pas, en pratique, aux critères liés à ce statut, à savoir une rémunération nettement plus élevée que celui des autres salariés, une autonomie dans l’accomplissement de leur mission ainsi qu’une large indépendance dans l’organisation de leur travail.
En dehors des cadres supérieurs, il est admis qu’un employeur puisse être amené dans l’intérêt de l’entreprise, à imposer à son salarié de travailler au-delà de ce qui a été convenu contractuellement ou de ce qui est prévu par la loi. L’article L. 211-22 du code du travail considère d’ailleurs « comme travail supplémentaire tout travail effectué au-delà des limites journalières et hebdomadaires de la durée normale de travail déterminée par la loi ou les parties ». La notion de durée légale du travail, ou la durée normale du travail entendue comme celle qui est appliquée dans l’entreprise, n’est donc qu’un seuil à partir duquel se déclenchent les heures supplémentaires.
Pour autant, cette souplesse souffre de nombreux inconvénients. Outre le fait que certains recours aux heures supplémentaires nécessitent le respect d’une procédure « d’accord administratif » ou pour le moins « de contrôle », le législateur en a restreint le recours. Sans être exhaustif nous pouvons citer comme possibilité de recourir aux heures supplémentaires le fait pour l’entreprise de devoir réaliser des travaux spéciaux tels que l’établissement d’inventaires ou de bilans, les échéances, les liquidations et les arrêtés de compte. A ces restrictions légales sur les cas de recours s’ajoute le principe de la compensation des heures supplémentaires par du temps de repos : une heure de travail supplémentaire prestée donne droit pour le salarié soit, à une heure et demie de repos compensateur de remplacement qui placée sur un compte épargne temps ; soit d’une rémunération dégagée de cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu mais payées à 140%.
Au-delà des cas de recours, le volume d’heures supplémentaires est borné par certaines limites quotidiennes et hebdomadaires :
– sauf pour l’exécution de travaux urgents ou pour la sauvegarde des moyens de production, un salarié ne peut effectuer plus de 2 heures supplémentaires par jour ;
– la durée de travail ne peut excéder 10 heures quotidiennement.
– La durée hebdomadaire ne peut être supérieure à 48 heures par semaine (il est toutefois possible d’y déroger par accord collectif).
Nous noterons également qu’il est possible (sans formalité particulière) d’adopter un plan d’organisation du travail sur une durée hebdomadaire afin de pouvoir s’affranchir des limites quotidiennes dans la limite de 9 heures par jour. Dans ce cas, les heures supplémentaires ne sont pas décomptées à la journée mais à la semaine et les heures supplémentaires seront celles qui seront effectuées au-delà de la durée hebdomadaire applicable.
Néanmoins, de nos jours, le décompte du temps de travail à la journée ou à la semaine, correspond de moins en moins aux réalités économiques de l’entreprise. L’entreprise n’a donc aucun intérêt à considérer le recours aux heures supplémentaires comme un mode flexible de planification des salariés. En revanche, il est possible d’adopter des modalités beaucoup plus modernes d’organisation du travail permettant l’adaptabilité et la flexibilité nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité des entreprises dans le cadre d’un plan d’organisation du travail (POT). Les semaines hautes de travail se compensent alors par des semaines basses, ce qui mécaniquement a pour effet,
de faire baisser le volume d’heures supplémentaires. Ces mécanismes peuvent s’appuyer soit sur un accord collectif, soit à défaut en application d’une décision unilatérale.
Lorsque l’entreprise a la possibilité de négocier la mise en place d’un décompte du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine, les partenaires sociaux sont invités à mettre en place, une (ou des) période(s) de référence de décompte du temps de travail qui correspond(ent) à l’activité réelle de l’entreprise. Pour chaque période de référence, qui peut être supérieure à la semaine et au plus égale à l’année, l’accord conventionnel peut prévoir des limites hautes et basses de l’activité (on parle alors de « tunnel de modulation »). A l’intérieur de ce « tunnel de modulation », les périodes de haute activité se compensent par des périodes de basse activité et les heures supplémentaires auparavant payées, deviennent des « heures de flexibilité » compensées. La contrepartie de cette flexibilité accordée par le salarié est alors librement déterminée par l’accord collectif.
Pour autant, la mise en place d’un tel accord n’interdit pas la réalisation d’heures supplémentaires, leur mode de décompte est simplement différent : ce sont celles qui sont effectuées au-delà de la limite haute conventionnelle (et donc décomptées à la semaine) ; et celles qui dépassent la durée moyenne du travail sur la période. Il est donc nécessaire d’établir un double décompte d’heures supplémentaires par salarié.
A défaut d’accord collectif, l’entreprise peut mettre en place un « régime supplétif » de plan d’organisation
du travail (POT unilatéral), après information consultation des représentants du personnel et à défaut des salariés concernés. Toutefois, contrairement au régime conventionnel qui laisse le champ libre aux modalités de décompte, la période de référence sera au plus égale à 4 mois. En outre, le plan d’organisation du travail devra prévoir des contreparties qui ne peuvent être inférieures à celles prévues par le législateur, et respecter des limites moyennes concernant la durée du travail.
En conclusion, la négociation d’un accord conventionnel de décompte du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, et au plus égale à l’année, est devenue incontournable pour les entreprises dont l’activité n’est pas linéaire. La rédaction d’un tel accord n’est cependant pas à prendre à la légère. Il s’agit en effet de mettre en place un « POT » qui correspond à l’activité de l’entreprise tout en se laissant suffisamment de marge pour le faire évoluer. Pour mettre en place un tel mécanisme, les entreprises doivent être au fait de l’ensemble des dispositions légales avant de se lancer. A défaut, cette souplesse peut devenir un véritable casse-tête.