Temps de travail effectif : en s’en remettant exclusivement à l’interprétation des juges du fond, la Cour de cassation laisse passer une occasion de clarification.
Un employeur reproche à un salarié de ne pas avoir été présent sur son lieu de travail pendant tout le temps de travail fixé contractuellement. Pour sa défense, le salarié fait valoir qu’il était rémunéré pour une fonction à remplir et que son temps de travail effectif ne pouvait se réduire à sa présence physique dans l’entreprise.
La cour d’appel ayant donné raison à l’employeur, il se pourvoit en cassation.
Pour lui, les juges du fond font une erreur de droit en considérant que le salarié a violé les dispositions de l’article 1134 du code civil. Pour lui, si « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. [Qu’]elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. [Et qu’]elles doivent être exécutées de bonne foi »[1], une cour d’appel ne peut retenir que la présence du salarié était requise pendant tout le temps de travail fixé contractuellement à 10 heures par jour et 50 heures par semaine. Il justifie sa position par le fait que « la lettre claire du contrat de travail […] aurait dû conduire la Cour d’appel à retenir […] que le travail effectif […]ne pouvait, de loin, être réduit à sa présence physique […], X ayant été rémunéré pour une fonction à remplir pendant 10 heures par jour et 50 heures par semaine mais pas exclusivement dans l’enceinte même [de l’entreprise cliente] ».
Il reproche également aux juges du fond d’avoir violé les dispositions de l’article L. 211-4 du code du travail qui dispose : « on entend par durée de travail le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de son employeur […]; sont exclues les périodes de repos pendant lesquelles le salarié n’est pas à la disposition de son employeur. […] ». Cette notion repose donc sur 2 notions, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et le temps de repos :
la période pendant laquelle le salarié est à la disposition de l’employeur. Nous pouvons affirmer que sont notamment considérées comme temps de travail effectif :
• les périodes pendant laquelle le travailleur est au travail,
• les périodes où le salarié est à la disposition de l’employeur,
• les périodes où le salarié est dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions.
la période de repos.
• Elle est définie par opposition au temps de travail : est considérée comme une période de repos « toute période qui n’est pas du temps de travail ».
En définitive, nous pouvons considérer que le salarié est au travail, s’il est à la disposition de l’employeur et s’il n’est pas en repos.
En réalité, le code du travail ne fait pas allusion à la présence du salarié dans l’entreprise pour qualifier le temps de travail effectif et c’est d’ailleurs sur ce fondement que le salarié s’oppose aux arguments des juges du fond. Il reproche donc auxdits juges de ne pas avoir pris en compte l’ensemble des caractéristiques de l’article L. 211- 4 du code du travail. Pour lui, l’arrêt d’appel « n’a retenu comme constituant du temps de travail presté par le salarié que ses heures de présence physique dans les murs [du client], alors pourtant que l’article L. 211-4 du Code du travail, correctement appliqué, aurait dû amener l’arrêt à rechercher si le salarié avait été, pendant les heures de travail par lui déclarées, à la disposition de son employeur […] ».
De manière surprenante, la Cour de cassation rejette pourtant le pourvoi sans nous éclairer sur l’interprétation qu’il convient de faire de l’article L. 211-4 du code du travail. Les Hauts magistrats s’en remettant exclusivement au rôle du juge du fond dans l’appréciation souveraine des faits.
« […] Attendu que sous le couvert des griefs, respectivement, de dénaturation du contrat de travail et de violation de l’article L. 211-4 du Code du travail, les moyens ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, sur base des éléments de preuve leur soumis, des relations contractuelles entre parties, et notamment de la réalité de la prestation des heures de travail convenues, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ; Qu’il en suit que les moyens ne sauraient être accueillis[…] ».
Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, 9 février 2017, N° 11 / 2017. N° 3737.
Nous ne pouvons que regretter cette approche. En effet, s’il appartient au juge du fond d’apprécier les faits, la Haute juridiction a tout de même un rôle régulateur dans l’interprétation des textes et de contrôle du pouvoir souverain des juges. Il est donc regrettable qu’elle n’ait pas profité de l’occasion qui lui était donnée pour affirmer la définition du temps de travail effectif et encadrer le rôle du juge du fond dans son interprétation au vu des pièces jointes au dossier, et même si cette décision aurait pu conduire à une conclusion identique.