Par une loi du 23 juillet 2016 publiée au Mémorial n°154 du 4 août 2016 (la « Loi »), le législateur luxembourgeois est venu modifier profondément à compter du 1er Février 2017 les dispositions relatives au casier judiciaire, parmi lesquelles certaines intéressent tout particulièrement les employeurs, quels qu’ils soient.
Jusqu’à présent, la loi du 29 mars 2013 relative à l’organisation du casier judiciaire avait réformé la législation en vigueur et supprimé le bulletin N°3 de sorte qu’il n’existait plus que le bulletin N°1 et le bulletin N°2[1]. Le bulletin N°1 reprenant l’intégralité des condamnations essuyées par une personne et le bulletin N°2 reprenant toutes les condamnations à l’exception des peines d’emprisonnement assorties du bénéfice du sursis d’une durée inférieure à six mois.
Le régime introduit en 2013 a soulevé de nombreuses difficultés qui ont motivées la présente réforme. Le point le plus problématique étant, qu’à défaut d’harmonisation du contenu des bulletins délivrés des casiers judiciaires au sein de l’Union européenne, la situation du demandeur d’emploi luxembourgeois muni du bulletin N°2 est devenue plus défavorable que celle d’un demandeur d’emploi français, allemand ou belge ayant les mêmes antécédents judiciaires mais dont le bulletin ne comporte pas les interdictions de conduire par exemple.
1 L’introduction de cinq formes de bulletins
La Loi effectue une refonte des bulletins judiciaires en créant 5 bulletins à finalités propres.
L’objet respectif des cinq nouveaux bulletins peut être résumée de manière synthétique comme suit :
- bulletin N°1 : réservé aux seuls autorités judiciaires ;
- bulletin N°2 : réservé aux seules administrations de l’Etat, administrations communales et personnes morales de droit public soit suite à l’acceptation de la personne concernée figurant sur le bulletin dans le cadre de ses rapports avec l’administration ou au service de renseignement de l’Etat sur demande de ce dernier ;
- bulletin N°3 : destiné à être communiqué à l’employeur (public et privé) potentiel dans le cadre d’un recrutement et à l’employeur (public et privé) dans le cadre de la gestion du personnel ;
- bulletin N°4 : pour le domaine du permis de conduire, de la licence et qualifications du personnel navigant de l’aéronautique, les licences ferroviaires et les licences de conducteur ou d’exploitant de taxis ; et
- bulletin N°5 : pour le domaine des activités professionnelles ou bénévoles impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (enseignement, crèche, foyer scolaire, etc.).
2. Un contenu modifié
Les inscriptions figurant aux bulletins N°2 à 5 ont été restreintes, ne sont désormais inscrites que des condamnations du chef de crimes et délits. Les contraventions n’y sont mentionnées que si, en raison du lien d’indivisibilité ou de connexité avec un crime ou un délit, elles ont été prononcées par le même jugement.
Le régime d’inscription des interdictions de conduire (qui interviennent comme peine accessoire en cas de délit routier) est largement modifié avec l’introduction d’un bulletin N°4 qui regroupe, outre les inscriptions reprises au bulletin N°3, les interdictions de conduire. Ces inscriptions sont retirées du bulletin N°4 après un délai de 3 ans qui court à partir de la fin de l’exécution de l’interdiction de conduire. Ce bulletin ne peut être délivré qu’à la personne visée par ce dernier ainsi qu’au Ministre des Transports pour l’instruction de certaines demandes.
3. La demande de communication de l’employeur encadrée
3.1 Objet de la demande
Le régime d’accès et celui de la gestion des bulletins par l’employeur est modifié. Ainsi, dans le cadre d’un recrutement d’une personne, l’employeur peut demander à celle-ci de lui remettre un bulletin N°3.
L’employeur potentiel peut également demander au candidat de lui remettre le bulletin N°4 lorsque la détention d’un permis de conduire valable constitue une condition indispensable pour l’exercice de l’activité professionnelle du futur salarié et lorsque cette exigence est prévue dans le contrat de travail.
Une simple phrase dans le contrat mentionnant l’indispensabilité du permis sans aucun fondement réel ne devrait ainsi pas être reconnu comme valable ou suffisant pour justifier la production d’un bulletin N° 4.
Il en va de même, dans des conditions encore plus restrictives, s’agissant du bulletin N°5.
3.2 Forme de la demande
Cette demande doit être faite par écrit et doit être spécialement motivée par rapport aux besoins spécifiques du poste. Cette demande doit figurer dans l’offre d’emploi.
3.3 Délai de conservation
Une fois le contrat de travail conclu, le bulletin doit être détruit au plus tard un mois à partir de la conclusion du contrat de travail.
Dans le cas de figure où le candidat n’est pas recruté, le bulletin afférent doit être détruit sans délai par l’employeur.
Il semblerait ainsi que les délais cités ont pour point de départ la décision d’embauche ou non du salarié et ne devrait dès lors pas empêcher la conservation du bulletin durant tout le processus de recrutement qui pourrait durer plus d’un mois. A contrario, dès lors qu’il est établi qu’une personne ne sera pas recrutée, son bulletin devrait être détruit immédiatement et ce, quand bien même le processus de recrutement ne serait pas encore clôturé.
A l’expiration des délais de conservation susmentionnés, ni l’extrait ni les données y renseignées ne peuvent être conservés sous quelque forme que ce soit.
3.4 Cas particulier d’une nouvelle demande
Dans le cadre de la gestion du personnel, l’employeur ne peut demander aux salariés la remise d’un nouveau bulletin N° 3 que lorsque des dispositions légales spécifiques le prévoient (e.g. en matière de gardiennage, d’établissement financier, etc.).
L’employeur peut également demander la remise d’un nouveau bulletin N° 3 en cas de nouvelle affectation justifiant un nouveau contrôle de l’honorabilité par rapport aux besoins spécifiques du poste.
Dans le cas d’une nouvelle demande et à moins que des dispositions légales n’autorisent un délai de conservation plus long, l’extrait ne peut pas être conservé au-delà d’un délai de deux mois à partir de sa délivrance.
3.5 Sanction
Celui qui sollicite la délivrance d’un bulletin en violation des conditions de fond et de forme prévues dans la Loi sera puni d’un emprisonnement de 8 jours à 1 an et d’une amende de 251 euros à 5.000 euros.
Le non-respect des délais de conservation prévus dans la Loi ou des délais prévus par une loi spéciale sera puni d’une amende de 251 euros à 3.000 euros.
4. Entrée en vigueur
La Loi entrera en vigueur au 1er février 2017.
Cependant, la Loi n’apporte pas de précision quant à la transition entre les bulletins demandés sous l’ancien régime et toujours en possession lors de l’entrée en vigueur de la Loi.
Bien que d’aucuns soutiendraient qu’en raison du principe de non-rétroactivité de la loi pénal plus dure, un bulletin obtenu avant le 1er février 2017 pourrait être conservé durant 24 mois, il nous parait néanmoins plus prudent d’appliquer la logique suivante dès lors que les sanctions pénales ne sont pas négligeables et que seuls les délais de sauvegarde sont concernés :
-Les demandes de communication d’un bulletin avant le 1er février 2017 ne sont pas soumises aux nouvelles dispositions (§ 3.2) de la Loi. Toutefois, en ce qui concerne le délai de conservation applicable aux bulletins communiqués antérieurement au 1er février 2017, il y aurait lieu d’appliquer les nouvelles dispositions avec pour point de départ le 1er février 2017 (e.g. embauche d’un candidat le 25 janvier 2017, destruction de son bulletin le 1er mars 2017 au plus tard). Une interprétation encore plus stricte pourrait amener un employeur à supprimer tous les bulletins en sa possession au 1er février 2017 dès lors qu’aucun processus de recrutement n’est en cours ou que le dernier recrutement a eu lieu avant le 1 janvier 2017.
-Toute demande de communication de bulletin à partir du 1er février 2017 est soumise aux nouvelles dispositions (forme, délai, contenu, objet, etc.) ;
[1] Newsletter du 17 juin 2013.