En matière de concurrence, y a-t-il une distinction à opérer selon que le contrat de travail a pris fin ou non ?
La distinction à opérer est la suivante : bien qu’un contrat de travail ne contienne pas toujours expressément de clause de non-concurrence, il est de principe que les contrats doivent être exécutés de bonne foi aux termes de l’article 1134 du code civil.
Il en découle qu’une partie devra s’abstenir durant l’exécution du contrat de tout acte qui porte délibérément préjudice à son co-contractant, cette interdiction découlant du devoir de loyauté que chaque partie doit respecter.
Il est partant interdit au salarié de poser des actes de concurrence à l’employeur en cours d’exécution de son contrat.
Il est par exemple défendu de débaucher la clientèle de son employeur en usant de moyens déloyaux en vue d’une activité future ou en vue d’intégrer une société concurrente. Cela consiste notamment pour un employé à informer la clientèle d’une société A, pour laquelle il travaille encore, qu’il va travailler prochainement pour une société B tout en les incitant à le suivre.
Une jurisprudence récente a notamment eu à traiter du cas d’une salariée qui, tirant prétexte de ce qu’elle était la seule à parler portugais et à traiter avec la clientèle d’origine portugaise de la société, leur faisait signer un document de transfert de clientèle en plus de les informer de son départ (C.S.J., 20/04/2015, 40806). L’employeur a obtenu des dommages-intérêts.
Le salarié peut-il préparer une entreprise concurrente durant l’exécution de son contrat de travail ?
Il existe toujours pour le salarié une possibilité de préparer une activité future. En effet, l’obligation de loyauté et de fidélité n’interdit pas au salarié, alors qu’il est encore dans les liens contractuels, de préparer une activité future que l’employeur peut considérer comme concurrente, à condition cependant qu’il ne commence cette activité qu’après la rupture de son contrat de travail (C.S.J., 02/02/2012, 35965).
Tout est ici appréciation au cas par cas pour le juge qui doit opérer une distinction entre simples actes préparatoires, qui ne sont que la projection de l’activité future, et actes constitutifs de concurrence déloyale tel que par exemple le démarrage effectif de l’activité concurrente compilé à un détournement de clientèle.
En pareille hypothèse, le salarié engage sa responsabilité pour les pertes et dommages subis par l’employeur dès lors qu’il a commis un acte volontaire.
Notons que tout est ici question de bonne foi à apprécier dans le chef du salarié.
La même possibilité de préparer une activité future existe a fortiori pendant la période de préavis.
Qu’en est-il lorsque le contrat de travail a pris fin ?
Le salarié dispose d’une liberté absolue de travailler pour une entreprise concurrente même en présence d’une clause de non-concurrence.
Aux termes de l’article L. 125-8 du code du travail, la clause de nonconcurrence inscrite dans un contrat de travail est celle par laquelle le salarié s’interdit pour le temps qui suit son départ de l’entreprise, d’exercer des activités similaires afin de ne pas porter atteinte aux intérêts de l’ancien employeur en exploitant une entreprise concurrente.
De cette définition légale, il en résulte que l’article L.125-8 du code du travail ne vise que le cas d’une activité en tant qu’entrepreneur individuel. Cet article vise uniquement l’hypothèse de celui qui s’interdit d’exploiter une entreprise personnelle concurrente à la fin de ses relations de travail.
Il faut en déduire que la clause de nonconcurrence est inopérante pour le cas où l’ancien salarié détiendrait des parts sociales dans une société concurrente. La personne du salarié et celle de la société dont il serait actionnaire majoritaire sont à considérer comme des entités juridiques distinctes, et si concurrence il y devait y avoir, cette concurrence émanerait tout au plus de la société, de sorte qu’une demande en dommages et intérêts dirigée contre le salarié et basée sur une clause de nonconcurrence serait non fondée.
Tous les salariés peuvent-ils se voir imposer une clause de nonconcurrence ?
Aux termes de l’article L.125-8 (3) du code du travail, la clause de non-concurrence est réputée non-écrite lorsque le salaire ou le traitement annuel qui est versé au salarié au moment du départ de son entreprise ne dépasse pas un niveau déterminé par règlement grandducal (6.817,07.-euros à l’indice 100, règlement grand-ducal du 11 juillet 1989, article 6).
La clause de non-concurrence doit être écrite, elle doit se rapporter à un secteur professionnel clairement identifié et doit être limitée dans le temps. La durée de l’obligation de non-concurrence ne peut en effet dépasser une période de 12 mois qui commence à courir le jour de la fin des relations de travail.
La clause de non-concurrence doit également être limitée géographiquement en fonction du secteur concerné. Il faut enfin préciser que seul le salarié peut invoquer la nullité de la clause de non-concurrence en justice. Selon la jurisprudence, il n’était pas dans l’intention du législateur, soucieux de protéger le salarié, de placer, en ce qui concerne le cadre légal de la clause de non-concurrence, l’employé et l’employeur sur un pied d’égalité .
CE QU'IL FAUT RETENIR
Clause de non-concurrence : « De cette définition légale,il en résulte que l’article L.125-8 du code du travail ne vise que le cas d’une activité en tant qu’entrepreneur individuel. Cet article vise uniquement l’hypothèse de celui qui s’interdit d’exploiter une entreprise personnelle concurrente à la fin de ses relations de travail. Il fait en déduire que la clause de nonconcurrence est inopérante pour le cas où l’ancien salarié détiendrait des parts sociales dans une société concurrente. La personne du salarié et celle de la société dont il serait actionnaire majoritaire sont à considérer comme des entités juridiques distinctes, et si concurrence il y devait y avoir, cette concurrence émanerait tout au plus de la société, de sorte qu’une demande en dommages et intérêts dirigée contre le salarié et basée sur une clause de nonconcurrence serait non fondée. »