Ces derniers jours, le monde entier a été témoin d’un évènement d’une importance majeure. Il s’agit du fameux « BREXIT » qui va avoir un impact non négligeable sur l’avenir du secteur financier non seulement de la Grande Bretagne mais aussi d’autres pays membres de l’Union européenne et plus particulièrement de l’un des pays fondateurs, le Luxembourg.
En effet, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne tenu le 23 juin dernier, communément appelé BREXIT, abréviation de « british exit », avait abouti à un résultat assez décevant pour l’Union européenne (UE), les britanniques ayant voté majoritairement pour ne plus en être membres. Suite à cet évènement, les analystes ont trop hâtivement constaté les dégâts que la sortie du Royaume-Uni pourrait causer, en négligeant le nombre considérable d’opportunités que cela offrirait pour le Grand-Duché du Luxembourg. Effectivement, une des conséquences de ce référendum est la perte du passeport européen pour le Royaume-Uni, conduisant sans doute à une relocalisation du secteur des affaires de la City anglaise.
Il s’agit essentiellement pour le Luxembourg d’accueillir des activités financières ainsi que de permettre la relocalisation des différents fonds et sociétés anglaises. Le Haut Comité de la place financière (organe informel), composé de représentants du Ministère des finances et des plus importantes sociétés du Luxembourg, avait déjà envisagé ce scénario et déclaré que le Luxembourg était en mesure d’assurer l’accueil de ces nombreuses activités.
Quant au secteur bancaire luxembourgeois, comprenant déjà en son sein 143 établissements, celui-ci se prépare à l’arrivée de nouvelles banques, et plus particulièrement celles qui ne font pas partie de l’espace communautaire, mais dont le siège était situé à Londres. Les banques visées sont essentiellement des institutions d’origine américaine, australienne, canadienne, suisse, chinoise ou turque.
Cependant, il convient de souligner que le lobby bancaire vise prioritairement l’implantation au Luxembourg des fonds spécialisés dans la gestion de patrimoine, les fonds d’investissement et les sociétés.
Ainsi, pour mieux comprendre le processus qui vise la relocalisation des fonds anglais il faut évoquer dans un premier temps les avantages d’une éventuelle relocalisation au Luxembourg et dans un second temps faire une analyse détaillée du mécanisme et des démarches à accomplir.
I. Pourquoi privilégier le Luxembourg ?
Le Luxembourg jouit d’une forte attractivité sur l’échiquier mondial des fonds d’investissement et des sociétés puisque le pays sait répondre aux préoccupations croissantes des investisseurs et fait preuve d’une importante stabilité financière ces dernières années. Ainsi, le Luxembourg sera la destination parfaite pour les investisseurs pour les raisons déjà évoquées mais aussi puisqu’il possède une situation géographique idéale, le pays étant situé au cœur de l’Europe.
Le Luxembourg compte des actifs de plus de 2500 milliards d’euros ce qui fait du Grand-Duché le premier centre d’investissement européen. En outre, ses fonds et sociétés sont commercialisés dans plus de 70 pays dans le monde entier. La transparence financière, la stabilité, des finances publiques saines ainsi que la notation « AAA » l’ont rendu très attirant pour de nombreux investisseurs étrangers.
Des mécanismes juridiques et règlementaires adaptés, des juristes qualifiés, différentes sociétés d’audit et des conseillers en fiscalité seront mis à la disposition de l’investisseur. Une protection accrue des investisseurs sera assurée par la CSSF, un régulateur expérimenté dans le domaine financier. La somme de ces facteurs valorisants assure une forte notoriété du Luxembourg sur le plan international.
Un des avantages majeurs du Luxembourg est son cadre compétitif pour les OPCVM (organes de placement collectif en valeurs mobilières) grâce au passeport européen qui permet de faciliter la distribution intra-communautaire. Le pays est réputé pour les OPCVM, cependant il ne s’agit pas de son domaine exclusif puisqu’il faut souligner que le Luxembourg représente aussi une plateforme majeure pour les classes d’actifs alternatifs avec plus de 20% de ses actifs confiés à des gérants alternatifs.
Il est possible de citer des fonds alternatifs comme :
- Le capital-investment et le capital-risque
- L’immobilier
- Les hedge funds
- Les SICAR
- Les SICAV et les SICAF (Les Sociétés d’investissement à Capital Variable ou Fixe)
- Les FCP (les fonds Communs de Placement).
De plus, le Luxembourg offre un environnement fiscal favorable, les SICAV, les SICAF et les FCP étant exonérés de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune, quel que soit le régime réglementaire applicable. Quant aux SICAR, elles sont pleinement imposables, mais possèdent un avantage fiscal non négligeable, qui consiste en une exonération d’impôts sur les revenus provenant des cessions, une exonération de l’impôt sur la fortune ainsi que de la retenue de l’impôt sur les dividendes, sur les intérêts et sur les royalties.
Beaucoup d’entreprises envisagent déjà des schémas de collaboration avec le Luxembourg. Ainsi, selon le Times, JP Morgan et HSBC prévoit le transfert des certaines activités financières au Luxembourg. Bloomberg a aussi annoncé que la banque Morgan Stanley comptait transférer 1000 de ses employés sur le continent européen. Il est donc possible de se demander si le choix de ces entreprises s’arrêtera au Luxembourg.
II. Le processus de « relocalisation » des fonds et sociétés anglais au Luxembourg
Le processus de relocalisation des fonds et sociétés anglais au Luxembourg peut s’effectuer à travers 3 mécanismes qui méritent d’être précisés.
1. Le transfert du siège social
Un moyen efficace pour assurer la relocalisation serait le transfert du siège social vers le Luxembourg. Il convient de noter que tout type de société ou de fonds excepté le fonds de type contractuel, peut effectuer le transfert du siège social ou de son administration centrale au Luxembourg. La personnalité juridique, dans le cas d’une société d’investissement, pourrait être maintenue, à condition que les lois du pays d’origine autorisent le transfert sans discontinuité. Cependant, le bilan de la société d’investissement souhaitant transférer le siège devrait être préservé.
Dans l’hypothèse où le Conseil d’administration ou les associés réunis en assemblée décideraient d’une relocalisation, une analyse minutieuse des lois applicables dans l’état d’origine et de l’état d’accueil s’impose de même que l’obtention des avis légaux de la part des conseillers juridiques. Les exigences de modification des documents constitutifs et des statuts avec référence au nouveau siège social devront être suivies. Une démarche non-négligeable est la radiation de la société qui procède à la relocalisation du registre dans l’état d’origine.
In fine les documents constitutifs devront être soumis à l’approbation de la CSSF.
2. La cession ou l’apport d’actifs à un fonds luxembourgeois
Un deuxième mécanisme qui pourrait permettre la relocalisation des fonds serait la cession ou l’apport d’actifs à un fonds luxembourgeois. Ce mécanisme nécessite un arrangement bilatéral. Il consiste en un transfert de tous les actifs et passifs du fonds vers une entité luxembourgeoise avec pour contrepartie l’obtention des parts ou actions de cette dernière. Aucune référence ni restriction quant à la structure de l’entité luxembourgeoise n’est faite et par conséquent celle-ci peut avoir la forme sociétaire ou contractuelle. L’entité luxembourgeoise peut de ce fait être une entité existante ou une société créée expressément à cet effet.
3. La fusion d’un fond étranger et du fonds luxembourgeois
In fine, le 3e mécanisme est la fusion du fonds étranger avec un fonds luxembourgeois. Il s’agit d’une décision qui doit émaner du conseil d’administration ou des actionnaires des deux entités. Ce processus consiste en une transmission universelle des actifs et passifs du fonds absorbé vers la société d’investissement luxembourgeoise. Cette procédure ne requiert aucune formalité particulière à l’exception de tout ce qui concerne les droits de propriété et les droits de la propriété intellectuelle. Ce mécanisme implique la modification des documents constitutifs des deux entités ainsi qu’un calcul du ratio d’échange des parts qui serait effectué sous la base du contrôle d’un auditeur.
Pour conclure, il est évident que le Luxembourg bénéficie d’un important arsenal de mécanismes et de pratiques susceptibles d’attirer l’attention des investisseurs. On pourra donc penser que ce serait sans doute la prochaine destination des fonds d’investissements et sociétés, qui sont en quête d’un milieu fiscal et juridique favorable.