Dans un environnement compétitif croissant, le Luxembourg, bien classé dans les charts des études sur la qualité de vie des expatriés1, recherche des profils à potentiel et les attire en mettant en valeur les avantages fiscaux2 et sociaux3 possibles. Mais concrètement, que doit prévoir un employeur lorsqu’il rédige le cadre et les conditions de la migration du salarié ?
Voici une petite liste de points importants qui doivent être réglés et prévus en vue de la relation contractuelle entre employeur et salarié migrant ; une sorte de liste des « 10 commandements d’une expatriation réussie».
1. Au choix du salarié migrant tu réfléchiras
La liberté de choix est le mot d’ordre dans les relations contractuelles. Pourtant, lorsqu’il s’agit de liberté d’engager ou de choisir son lieu de travail, les limites de la libre circulation des travailleurs4 circoncissent le choix du salarié amené à travailler au Luxembourg. Il faut donc garder à l’esprit et anticiper les démarches relatives à la migration envisagée (niveau de qualification du salarié migrant, nécessité de déclaration de poste vacant, permis de travail, autorisation de séjour) avant de faire un choix.
2. Des démarches administratives relatives à la résidence tu t’inquièteras
Les citoyens du monde et ceux qui les emploient seront bien avisés de vérifier, en fonction de la nationalité du salarié migrant (Union Européenne et assimilés ou pays tiers), que les démarches auprès du bureau de la population de la commune de résidence5 du migrant soient effectuées avant le début de la relation de travail.
3. De l’enregistrement auprès des autorités tu t’occuperas
Bien qu’il soit relativement intéressant d’un point de vue fiscal de migrer au Luxembourg, travailler au Luxembourg et employer des salariés migrants nécessite l’accomplissement de formalités auprès de l’Administration des Contributions Directes (notamment matérialisé par la carte d’impôt). Par ailleurs hormis en ce qui concerne la couverture sociale, il y a également lieu, dans certains cas, de signaler la migration à l’Inspection du Travail et des Mines. Employeur et salarié seraient bien avisés de spécifier leurs obligations respectives à ce sujet et de se préparer à ces démarches.
4. De la prise en charge des coûts de la mobilité tu discuteras
Dans les pays les mieux classés au niveau du package salarial, l’engagement, quelle que soit sa forme, prévoit aussi la prise en charge par l’employeur, en tout ou partie, des frais accessoires relatifs à la migration (logement, scolarité, mobilité, retour au pays, compensation du différentiel du coût de la vie). Il faut donc penser à prévoir contractuellement les coûts provoqués par la migration et déterminer quelle partie les supportera.
5. De la couverture sociale tu te préoccuperas
C’est à l’employeur qu’incombe la tâche d’affilier le salarié migrant auprès du Centre Commun de la Sécurité Sociale6. Toutefois, afin d’éviter des situations où la couverture sociale est compromise (notamment en matière d’assurance maladie, de chômage ou de retraite) il convient de clarifier quelle partie est en charge de quelle obligation et d’anticiper les conséquences de la migration en matière de droits. Il revient parfois au salarié migrant de se charger des démarches notamment dans son pays d’origine pour assurer sa couverture et faire valoir ses droits.
6. Au choix du type de contrat tu penseras
Le type de contrat à conclure dépend des conditions, formes et durée de la migration. On peut citer plusieurs types de contrat (détachement, mutation intragroupe, lettre de mission, contrat local) qui ont juridiquement des conditions et des conséquences différentes mais qui peuvent surtout s’avérer désastreuses et coûteuses si la situation n’est pas claire pour les parties dès le début de l’expatriation. Il faut donc dès le début clarifier et agréer expressément le choix du type de contrat de migration.
7. De la loi applicable au contrat tu te méfieras
Le droit du travail luxembourgeois s’applique en principe aux salariés luxembourgeois7. Toutefois, de nombreuses migrations s’expliquent par la présence au Luxembourg de sociétés internationales d’autres Etats de droit, qui deviennent des sociétés luxembourgeoises par « adoption » d’un siège au Luxembourg. Le risque de transposition de règles de droit étranger qui seraient illégales selon le droit luxembourgeois est grand. Il faut donc prêter une attention particulière à la loi applicable au contrat et au respect des règles impératives de droit luxembourgeois.
8. La fin du contrat tu prévoiras
La migration n’a pas toujours vocation à durer. La loi prévoit parfois même des limitations de durée impératives8. La continuation de la relation de travail après la fin de la période de migration prévue initialement peut être lourde de conséquences9. Il faut donc penser dès le début de la relation à prévoir clairement la durée et les termes de la fin du contrat.
9. Le retour et la réintégration éventuelle du salarié tu n’oublieras
Lorsque la migration n’est pas définitive ou, au contraire, si elle le devient, qu’advient-il du contrat ? En cas de détachement ou de mutation intragroupe, le contrat avec l’entreprise d’origine est-il rompu ou suspendu ? Un nouveau contrat est-il conclu dans le pays d’accueil ? La réintégration est-elle prévue pour le salarié migrant qui retourne chez lui ? Ce dernier récupère-t-il le poste qu’il a quitté ? Toutes ces questions doivent également être examinées et réglées dès le début de la relation.
10. La question de la juridiction compétente en cas de litige tu examineras
Il semble aller de soi qu’un litige entre employeur situé au Luxembourg et salarié travaillant au Luxembourg soit réglé devant un juge luxembourgeois. L’internationalité de certaines mutations complique ce débat et les conséquences d’un manque de clarté peuvent également être extrêmement coûteuses. Il faut donc, pour finir, réfléchir et analyser chaque situation et définir quel juge serait compétent en cas de litige portant sur la migration.
Si les dix commandements tu ne respectes pas, de l’échec de la migration tu ne t’étonneras.
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1. Selon le Cost of Living Survey menée par l'ECA International, le Luxembourg se classe 15ème sur 23 parmi les leaders de la place financières pour les package de rémunération des expatriés; et sur 194 villes à travers le monde, Luxembourg-ville se classe à la 28ème place pour l’indice du coût de la vie. Selon la Quality of living Survey menée par le cabinet de conseil MERCER, Luxembourg-ville se classe 19ème au niveau mondial des villes offrant la meilleure qualité de vie, 9ème au sein de l'Union européenne et 12ème au niveau européen Le Luxembourg est classé en 1ère position mondiale en termes de sécurité.
2. Le Luxembourg propose un win-win, à savoir exonération d’impôts et possibilité de déduction des coûts de la migration.
3. Le régime de couverture sociale est plutôt favorable, et la protection sociale en matière de droit du travail est avantageuse.
4. Tout ressortissant de l’Union européenne ou de pays assimilé (Islande, Liechtenstein et Norvège) ou de la Suisse peut circuler librement au sein de l’Union (sauf pour les citoyens croates qui doivent obtenir une autorisation de travail la 1ère année). De même, les ressortissants de pays tiers doivent obligatoirement être en possession d’une autorisation de travail quelle que soit la durée de leur emploi au Luxembourg.
5. En fonction de la durée du séjour, moins ou plus de 3 mois, il faut s’inscrire à la commune de résidence. En fonction de la nationalité du migrant, il se peut qu’il doive également demander une autorisation de séjour et/ou un permis de travail. Les démarches doivent parfois être accomplies par le salarié ou par l’employeur avant l’entrée sur le territoire luxembourgeois etun retour au pays est possibleafin d’obtenir une autre autorisation si la situation du salarié migrant évolue (ex. stagiaire qui valide des examens, salarié détaché de pays tiers qui change de fonction…).
6. Quelle que soit son origine, toute personne travaillant au Luxembourg doit obligatoirement être affiliée auprès d’une des caisses luxembourgeoises de maladie. L’affiliation se fait auprès du Centre commun de la Sécurité sociale (CCSS) par l’employeur.
7.Le choix d’appliquer un droit étranger existe pour autant qu’il ne contrevienne pas aux règles d’ordre public luxembourgeoises en matière de droit du travail.
8. C’est un point actuellement en discussion mais pour un détachement, par exemple, la loi impose une durée maximale de 24 mois.
9. Dans certains cas, il y a requalification d’un contrat de détachement mal rédigé ou exécuté et l’absence de clarté quant au véritable employeur ouvre au salarié un droit d’agir contre plusieurs employeurs.