Le téléchargement illégal de données informatiques est un problème auquel les employeurs sont souvent confrontés, notamment en cas de procédure de licenciement. La Cour de Cassation Luxembourgeoise a rendu le 3 avril 2014 un arrêt qui s’intéresse à cette problématique et qui fera date sur la place Luxembourgeoise. Cet arrêt, bien que rendu en matière pénale, est amené à avoir des conséquences non négligeables en matière de droit du travail et a vocation à intéresser tout particulièrement les employeurs. Cet arrêt consacre en effet la reconnaissance du vol de données informatiques par un salarié.
Reconnaissance de l’infraction de vol en matière de téléchargement des données informatiques et conditions d’exonération du salarié
Jusqu’à présent, le téléchargement de données informatiques n’était pas qualifié de vol à proprement parler, une interprétation stricte des articles 461 et suivants du code pénal s’y opposant. Le problème de qualification de l’infraction pénale tenait en effet à la nature immatérielle des données. Puisqu’elles étaient immatérielles, les juridictions considéraient qu’on ne pouvait pas se les approprier frauduleusement et qu’elles ne pouvaient pas entrer et sortir du patrimoine d’une personne.
L’arrêt du 3 avril dernier s’oppose à cette approche. La Cour retient en effet qu’un « téléchargement illégal de données confidentielles d’une société peut être qualifié de vol et que le simple fait pour un salarié de faire des photocopies de ces données, à des fins personnelles, peut être assimilé à un vol ».
Toutefois, l’arrêt retient que l’intention frauduleuse ne doit pas être retenue quand le salarié est en droit de produire en justice les documents de l’entreprise dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui sont « strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense dans le procès qui l’oppose à son employeur ».
Si, en revanche, le salarié utilise des documents dont il n’avait pas eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui ne sont en outre pas strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense, il commet un vol.
Ainsi, la Cour de Cassation a statué qu’un « salarié qui prend, à des fins personnelles, à l’insu et contre le gré du propriétaire, des photocopies de documents appartenant à son employeur et dont il n’a que la détention précaire, fait un acte d’appréhension desdits documents, caractérisant l’élément matériel du vol ».
Violation du secret professionnel et respect des droits de la défense
En outre, peut également se rendre coupable de la violation du secret professionnel le salarié qui télécharge illégalement des données informatiques pour les produire ensuite en justice. Néanmoins, la Cour de Cassation a statué qu’en vertu des droits de la défense (article 6 (1) de la Convention des Droits de l’Homme), pour que soit justifié le vol de données informatiques soumises au secret professionnel, le salarié doit prouver que la violation du secret professionnel était strictement nécessaire pour assurer sa défense et que les documents obtenus de manière illicite étaient strictement nécessaires. En d’autres termes, le salarié ne doit pas disposer d’un autre moyen pour préserver ou faire reconnaitre ses droits de la défense, faute de quoi il pourra être reconnu coupable de vol et en outre de violation du secret professionnel.
Cette jurisprudence donnera sans doute plus de corps à l’obligation qu’a le salarié de rendre tous les effets appartenant à son ancien employeur lorsqu’il quitte son poste et cela dissuadera sans doute les salariés mécontents de subtiliser quelques documents avant de partir pour s’en servir par la suite en justice contre leur ancien employeur.