18/12/17

Les Droits de l'Homme s'appliquent également dans les contentieux TVA

L’arrêt de la CJUE rendu le 5 décembre 2017 dans l’affaire C-42/17 "M.A.S. et M.B.", est remarquable car il est venu placer jusqu'à la Charte Européenne des Droits Fondamentaux et surtout la Convention Européenne des Droits de l'Homme comme garanties procédurales en faveur des assujettis à la TVA.

A l'origine de cette affaire, une poursuite pénale en Italie, pour une forme de fraude carrousel TVA.

L'issue de cette instance se trouvait incertaine du fait que, si la procédure pénale italienne était claire pour déclarer prescrite l'action, la stricte application d'un précédent arrêt de la CJUE du 16 octobre 2015 (affaire C-105/14, "Tarrico") amenait au contraire à considérer que la prescription était inapplicable en raison de l'article 325 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), selon lequel:

"1. L'Union et les États membres combattent la fraude et tout autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union par des mesures […] dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l'Union.

2. Les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union que celles qu'ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers."

Et la jurisprudence "Tarrico" a de facto sommé les juridictions répressives de ne pas "tenir compte de règles de droit interne qui font obstacle à l’infliction de sanctions pénales effectives et dissuasives dans un nombre considérable de cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou qui prévoient des délais de prescription plus courts pour les cas de fraude grave portant atteinte auxdits intérêts que pour ceux portant atteinte aux intérêts financiers de l’État membre concerné".

Malgré la clarté de cet arrêt, la Cour de Justice a décidé le 5 décembre 2017 de ne pas sacrifier à l'autel des intérêts financiers de l'Union européenne le principe fondamental de légalité des délits et des peines.

Il est retenu que les exigences de prévisibilité, précision et non-rétroactivité de la loi pénale :

découlent du principe de légalité des délits et des peines, consacré dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et
s’opposent de ce fait à ce que l’efficacité fiscale poursuivie par l’article 325 TFUE puisse sortir aveuglément ses effets.

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