Une procédure de saisie conservatoire des comptes bancaires au sein de l’Union Européenne (à l’exception du Royaume-Uni et du Danemark) destinée à faciliter l’exécution transfrontalière des créances pécuniaires vient d’entrer en vigueur.
Ainsi, depuis le 18 janvier 2017, il est désormais possible, au sein de l’Union européenne, de bloquer des fonds détenus par un débiteur sur un compte bancaire d’un Etat membre de l’Union européenne sans passer par la fameuse procédure dite de « l’exequatur ».
Jusqu’à présent, si le créancier souhaitait saisir un ou plusieurs compte(s) à l’étranger de son débiteur, il était tenu d’introduire une demande en justice spécifique devant les juridictions du pays où se situai(en)t le(s) dit(s) compte(s). Ce mode de fonctionnement mettait clairement un frein à l’effectivité d’un éventuel recouvrement.
Dans le cadre de la nouvelle procédure mise en place par le Règlement Européen du 15 mai 2014 n°2011/0224, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale, le créancier pourra directement saisir la juridiction de son pays pour voir ordonner la saisie conservatoire des comptes bancaires de son débiteur, sans que celui-ci ne soit, initialement, informé.
Cette procédure, ouverte aux particuliers et aux entreprises, constituera une alternative aux procédures nationales de saisie conservatoire, sans s’y substituer.
Domaine d’application
Seules les affaires transfrontalières en matière civile et commerciale touchant des créances pécuniaires sont concernées par cette procédure à l’exclusion, notamment, des matières fiscales, administratives ou douanières ainsi que les régimes matrimoniaux, les testaments, les successions, les procédures collectives, la sécurité sociale et l’arbitrage.
Un « litige transfrontière» est un litige dans lequel le ou les comptes bancaires devant faire l’objet de la saisie conservatoire sont tenus dans un Etat membre autre que celui soit de la juridiction saisie de la demande d’ordonnance de saisie conservatoire, soit du domicile du créancier. A noter que le Danemark et le Royaume-Uni ont refusé de participer à l’adoption de ce Règlement et sont donc exclus de son champ d’application.
La « créance » est définie comme « un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminé qui est devenue exigible ou un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable découlant d’une transaction ou d’un évènement qui a déjà eu lieu, pour autant que cette créance puisse être produite en justice ».
L’initiation de cette procédure de saisie conservatoire est possible que le créancier ait ou non obtenu une décision de justice ou un acte authentique ou une transaction judiciaire pour faire reconnaître le bien-fondé de sa créance. Toutefois, le créancier devra, dans les délais prescrits par le Règlement, engager une procédure au fond.
Procédure
Le créancier devra convaincre la juridiction de protéger sa créance et prouver l’urgence de la mise en œuvre de la saisie pour pallier le risque de non-recouvrement.
Il doit également, pour gagner du temps et faire économiser de l’argent, fournir toutes les informations dont il dispose au sujet du compte bancaire du débiteur. En l’absence d’information ou d’information incomplète, le créancier peut faire une demande visant à obtenir des informations relatives aux comptes bancaires du débiteur selon une procédure prévue par le Règlement.
La juridiction se fondera sur les éléments de preuve transmis par le créancier et pourra, le cas échéant, demander des éléments de preuve supplémentaires et/ou utiliser toute autre méthode appropriée dont elle dispose au titre de son droit national pour obtenir des éléments de preuve.
La juridiction doit statuer « sans tarder » et dans les délais prévus par le Règlement et délivre une ordonnance en utilisant un formulaire harmonisé au sein de l’Union Européenne.
L’ordonnance ne pourra pas concerner les fonds détenus sur les comptes qui ne sont pas exclusivement détenus par le débiteur, ni sur ceux détenus par un tiers pour le compte du débiteur, ni sur ceux détenus par le débiteur pour le compte d’un tiers, sauf si la saisie conservatoire pour ces comptes est autorisée, par le droit de l’Etat membre d’exécution. Certains montants sont exemptés de la saisie conservatoire.
Cette ordonnance sera (i) reconnue dans les autres États membres sans qu’une procédure spéciale soit requise et, (ii) exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant sa force exécutoire soit nécessaire. Elle aura le même rang qu’une ordonnance équivalente sur le plan national dans l’Etat membre d’exécution. La procédure habituelle d’exequatur des décisions étrangères ne sera donc pas requise.
Les effets de la saisie conservatoire persistent jusqu’à la révocation de l’ordonnance ou, la fin de son exécution, ou jusqu’à ce qu’une saisie exécutoire ait pris effet.
Le créancier dispose d’un droit d’appel contre l’ordonnance qui a rejeté en tout ou partie sa demande (30 jours). Une fois le débiteur régulièrement informé, le débiteur et le créancier bénéficient de voies de recours dans des cas limités prévus aux articles 34 à 36 du Règlement. La décision de révoquer ou de modifier l’ordonnance de saisie conservatoire ou la décision de limiter l’exécution de l’ordonnance de saisie conservatoire ou d’y mettre fin est immédiatement exécutoire et peut, encore, faire l’objet d’un appel.
A noter que la responsabilité du créancier pourra être engagée par le débiteur en cas de faute. La charge de la preuve pèse sur le débiteur sauf 4 cas de présomptions de faute du créancier prévus par le Règlement.
Cette procédure est écrite, non contradictoire et rapide. La représentation par un avocat n’est pas obligatoire. Il s’agit donc d’une procédure agissant comme un vrai moyen de pression contre le débiteur défaillant permettant de sauvegarder les intérêts des créanciers. Toutefois, le mécanisme prévu par la voie de formulaires ne semble pas rendre plus simple en réalité la mise en œuvre de cette procédure.