De plus en plus de Belges déménagent au Luxembourg. On peut observer cette tendance depuis quelques années déjà. Selon les médias, il est fort probable que leur départ soit motivé par le souhait de payer moins d'impôts. Mais est-ce bien correct ? La pression fiscale que les grandes fortunes subissent au Luxembourg n'est en effet pas plus faible qu'en Belgique. Une chose est certaine: le transfert du domicile fiscal vers le Luxembourg permet aux fraudeurs invétérés d'échapper à l'échange automatique des données financières...
1. LE LUXEMBOURG N'EST PAS UN PARADIS FISCAL POUR PARTICULIERS FORTUNÉS
Cela paraîtra sans doute étrange, mais le Luxembourg n'est pas un paradis fiscal pour les rentiers. On y est en effet soumis à un impôt progressif: le taux marginal s'élève à 40%. Les dividendes sont en principe imposés à 20%. Les intérêts sont imposés aux taux de 10 ou 40%. Plus surprenant encore: le Grand-Duché impose les plus-values sur actions. Les plus-values spéculatives sur actions sont imposées à 40%; les plus-values sur les participations substantielles (supérieures à 10% du capital) sont imposées à 20%.
La pression fiscale sur les revenus du patrimoine n'est selon moi pas plus élevée en Belgique. Il est vrai que le précompte mobilier sur les dividendes et les intérêts a considérablement augmenté au cours de ces dernières années (30% à partir du 1er janvier 2017). Les habitants du Royaume fortunés seront impactés par cette hausse d'impôt. Néanmoins, l'herbe fiscale n'est (pour l'instant) pas plus verte au Luxembourg. Les plus-values sur actions sont toujours exonérées d'impôt en Belgique, contrairement au Luxembourg. Et c'est un bel atout pour attirer sur notre sol des "High Net Worth Individuals".
Imaginons qu'un entrepreneur ait créé sa société il y a 30 ans avec le capital minimum. La société vaut aujourd'hui 10 millions d'euros. L'entrepreneur vend ses actions à un tiers. En Belgique, la plus-value est exonérée; au Luxembourg, celle-ci est bel et bien imposée à 20%. En outre, les particuliers bien conseillés peuvent investir leur patrimoine d'une manière fiscalement attrayante. Si un Belge investit dans de l'or, il évitera dans ce cas tout impôt. D'autres exemples de produits défiscalisés sont les assurances placements du type branche 21 ou branche 23 et les actions dans certaines SICAV de capitalisation.
Ce n'est pas tout: la Belgique est une terre d'accueil pour les particuliers fortunés (en provenance des Pays-Bas ou de France). La Belgique est particulièrement prisée par les millionnaires français qui désirent échapper à l'impôt sur la fortune et la taxation des plus-values en France. Gérard Depardieu s'est ainsi domicilié à Néchin (Tournai). Pour l'acteur français, la Belgique doit sans doute être un paradis fiscal...
En bref, on peut légitimement se demander quel est l'intérêt fiscal de déménager au Luxembourg...
2. LA FIN DU SECRET BANCAIRE LUXEMBOURGEOIS ET LES FRAUDEURS INVÉTÉRÉS
Jusqu'il y a peu, le Luxembourg était bien connu des habitants du Royaume, mais pour une raison moins respectable: le placement de capitaux non déclarés. Cette époque est révolue. Le secret bancaire luxembourgeois s'effrite sur la scène fiscale internationale. A partir de 2017, le Luxembourg échangera automatiquement une palette variée d'informations financières vers la Belgique.
Exemple: Monsieur Dupont (résident belge) a ouvert un compte bancaire (compte de dépôt ou compte-titres) auprès d'une banque luxembourgeoise. La banque luxembourgeoise devra automatiquement transmettre les données suivantes au fisc luxembourgeois, à partir de 2017, pour la période imposable 2016: le solde du compte à la fin de l'année; le montant total des intérêts et des dividendes versés sur le compte au cours de l'année; le produit de la vente d'actifs financiers; l'identité de Monsieur Dupont, son adresse, son pays de résidence (la Belgique) et son numéro d'identification fiscale. Ces informations seront ensuite transmises par les autorités fiscales luxembourgeoises à l'administration fiscale belge en septembre 2017.
Il faut préciser que l'échange automatique d'informations financières concernera certains produits de placement très prisés par les Belges, notamment les parts de SICAV luxembourgeoises et les produits d'assurance luxembourgeois (branche 21 et 23). Penser que l'on peut encore dissimuler sa fortune au Luxembourg en toute impunité relève de la gageure. Avis aux fraudeurs: la Belgique a dans les mains une arme de destruction massive. Aujourd'hui, cette arme est encore assez rudimentaire : dans un grand nombre de cas, le fisc belge n'a pas encore connaissance de l'identi té des Belges qui ont planqué des capitaux au Luxembourg. A partir de 2017, les banques et les compagnies d'assurance luxembourgeoises lui fourniront toutefois de précieuses munitions.
Monsieur Dupont a-t-il placé des capitaux non déclarés sur son compte bancaire luxembourgeois ou dans une police d'assurance luxembourgeoise ? Mon conseil est de faire usage, le plus vite possible, de la nouvelle procédure de régularisation.
Qu'en est-il maintenant des fraudeurs invétérés ? Peuvent-ils continuer à cacher leur fortune au Luxembourg sans être démasqués ? Force est de constater qu'il subsiste de nombreuses échappatoires aux échanges automatiques d'informations, notamment le transfert de résidence fiscale du titulaire du compte vers la juridiction où est établie l'institution financière auprès de laquelle il détient son compte, et ce avant la fin de la période imposable. Si Monsieur Dupont déménage au Luxembourg avant le 31 décembre 2016, il n'y aura pas de transmission automatique d'informations vers le fisc belge en 2017…
Serait-ce la raison pour laquelle un certain nombre de Belges ont récemment décidé de déménager au Luxembourg ?