Le 7 décembre 2016, le droit de la concurrence au Luxembourg s’est considérablement renforcé avec l’entrée en vigueur de la loi transposant la directive (UE) 2014/104 visant à faciliter les actions en responsabilité des victimes d’une pratique anticoncurrentielle (cartel, entente, autre accord anticoncurrentiel, abus de position dominante) devant le juge civil. Cette nouvelle loi introduit plusieurs dispositions importantes qui aideront les parties lésées à établir plus aisément la faute, à savoir l’illégalité du comportement, d’une entreprise qui a enfreint des règles de concurrence, et de quantifier le dommage subi.
Preuve de la faute : poids d’une décision du Conseil de la concurrence
En effet, tout d’abord, la loi consacre la force probatoire d’une décision du Conseil de la concurrence luxembourgeois constatant une pratique anticoncurrentielle. Une telle décision adressée à une entreprise constitue une preuve irréfragable de sa faute aux fins d’une action en dommages et intérêts. La décision d’une autorité de concurrence d’un autre État membre de l’Union constitue aussi une preuve d’une violation du droit de la concurrence mais moindre qu’une décision de l’autorité nationale puisqu’elle peut être mise en balance avec d’autres éléments de preuve.
Présomption de préjudice
En outre, la loi crée une présomption que les ententes anticoncurrentielles causent un préjudice. Rien de comparable n’est toutefois prévu pour les abus de position dominante.
Collecte des preuves
Pour quantifier ce dommage, la loi facilite au surplus l’accès des victimes aux preuves. Le juge civil a le pouvoir d’enjoindre aux entreprises contrevenantes de communiquer les éléments de preuve utiles en leur possession et de solliciter les autorités de concurrence pour se voir communiquer les preuves contenues dans leurs dossiers.
« Passing-on defence »
La question de la répercussion du surcoût du dommage anticoncurrentiel par les clients directs d’entreprises impliquées dans une pratique anticoncurrentielle est également abordée par la loi. Le moyen de défense « passing-on defence » par lequel le défendeur, par exemple un fournisseur, oppose au demandeur, un distributeur, le fait que ce dernier a pu répercuter la hausse des prix liée à la pratique anticoncurrentielle sur ses propres clients est reconnu par la nouvelle loi. Néanmoins, le défendeur conserve la charge de la preuve de cette exception.
Calcul des dommages et intérêts
Ni la loi du 5 décembre 2016 ni la directive 2014/104 n’ont apporté de réponses définitives à une des difficultés majeures des actions en dommages et intérêts : la méthode de calcul du préjudice résultant d’une pratique anticoncurrentielle. Cependant, les victimes et le juge pourront s’appuyer sur une communication de la Commission européenne du 13 juin 2013 qui présente des méthodologies économiques qu’elle considère comme étant appropriées pour quantifier le dommage et dont le choix entre les méthodologies dépend des données disponibles.
Cumul de l’amende administrative et des dommages et intérêts
Les opérateurs économiques au Luxembourg qui violent le droit de la concurrence s’exposent à la fois à une amende prononcée par le régulateur public et à une condamnation à verser des dommages et intérêts prononcée par le juge civil. À cet égard, il est également important de rappeler que le droit de la concurrence s’applique à tout accord entre deux ou plusieurs entreprises, quel que soit le secteur économique concerné, que les entreprises soient concurrentes ou interviennent à des niveaux différents de la chaîne économique et à toute entreprise en position dominante. Ce faisant, non seulement les cartels entre concurrents (fixation des prix, répartition des marchés, truquage de marchés publics, etc.) mais également les contrats ou pratiques de ventes contenant des termes anticoncurrentiels (imposition de prix de reventes, blocage des possibilités de ventes ou de fourniture, etc.) sont visés par les règles de concurrence. Il en va de même des abus commis par une entreprise en position dominante (en gros, plus de 50 % voire plus de 40% des parts de marché) sur un marché au moins (tels que les prix excessifs, prix prédateurs, rabais fidélisants, discrimination, offres liées, refus de vente ou de fourniture).
Il devient donc de plus en plus crucial de veiller à la conformité de ses activités avec le droit de la concurrence (audit, training, programme de compliance, etc.).
Lien vers le texte de la loi du 5 décembre 2016 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts pour les violations du droit de la concurrence et modifiant la loi modifiée du 23 octobre 2011 relative à la concurrence :
http://www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2016/0245/a245.pdf