Voici un aperçu de certains principes régissant les délégations de pouvoirs au sein des sociétés anonymes qui ne sont pas cotées et dont les actions ne sont pas admises à la négociation sur un marché réglementé.
Les délégations de pouvoirs sont facultatives. Elles permettent de simplifier et d'accélérer la prise de décisions et l'accomplissement des actes les concernant.
La validité des délégations de pouvoirs se distingue de leur opposabilité. A défaut d'être opposables, des pouvoirs pourtant valablement délégués au sein de la société resteront sans effet à l'égard des tiers qui les contesteraient.
Il faut également distinguer le pouvoir de prendre des décisions au sein de la société (par exemple, la décision de conclure un contrat) du pouvoir, une fois une décision prise, de représenter la société vis-à-vis des tiers (par exemple, pour les besoins de la signature d'un contrat).
Délégué(s) à la gestion journalière
Une délégation de pouvoirs usuelle est celle qui a pour objet la gestion journalière des affaires de la société. Ainsi, il est loisible à la société de confier cette gestion à un ou plusieurs délégués et, s'ils sont plusieurs, de leur impartir de devoir agir conjointement.
Les statuts de la société doivent notamment préciser l'organe qui est compétent pour nommer ces délégués. Une telle compétence est généralement dévolue, à juste titre, au conseil d'administration ou, s'il en existe un, au comité de direction plutôt qu'à l'assemblée générale. Le choix du ou des délégués à la gestion journalière est, en principe, libre.
La loi n'impose pas à la personne morale déléguée à la gestion journalière de désigner un représentant permanent chargé d'exécuter cette mission en son nom et pour son compte. En l'absence d'une telle obligation, il semble que celle-ci n'en aura pas non plus la faculté, de telle sorte qu'en pratique, l'exercice de la gestion journalière risque d'être paralysé. La solution consistera à désigner un mandataire qui sera investi de certains des pouvoirs dévolus à la personne morale déléguée à la gestion journalière.
La gestion journalière est une notion légale dont, en l'absence de définition par la loi, le contenu est laissé à l'appréciation a posteriori des cours et tribunaux. Lorsque des actes sont accomplis par le délégué à la gestion journalière, il est crucial de s'assurer qu'ils relèvent d'une telle gestion car seuls ceux-là engageront la société. Le risque sera, par exemple, la perte d'un contrat qui, en l'absence de ratification, ne liera pas les parties à défaut d'avoir été signé par l'organe compétent. En cas de doute quant à l'étendue des pouvoirs du délégué à la gestion journalière, il est conseillé de traiter avec le conseil d'administration ou, s'il en existe un, le comité de direction, ou avec un mandataire spécialement désigné par celui de ces deux organes qui est compétent.
Comité de direction et autres comités
Les statuts des sociétés anonymes peuvent habiliter le conseil d'administration à déléguer ses pouvoirs à un organe collégial distinct, le comité de direction, à l'exception de la politique générale de la société - i.e. la définition de sa stratégie - et des actes réservés par la loi au conseil d'administration.
L'un des avantages d'une telle délégation réside dans le fait que, tout en conservant le principe d'une gestion et d'une représentation collégiale, la composition et le mode de fonctionnement du comité de direction peuvent être fixés librement par les statuts ou le conseil d'administration. Si les membres du comité de direction, administrateurs ou non, sont en principe désignés par le conseil d'administration, certains auteurs estiment que les statuts pourraient confier à l'assemblée générale le soin de les nommer.
Une question qui divise la doctrine est de savoir si le conseil d'administration conserve le pouvoir d'exercer les compétences déléguées au comité de direction.
Le conseil d'administration a aussi la faculté de créer, en son sein et sous sa responsabilité, des comités consultatifs, dont il lui appartient de définir la composition et la mission. Il s'agit notamment des comités d'audit, de rémunération et de nomination qui, à l'inverse du comité de direction, ne jouissent que d'une compétence d'avis, ne constituent pas des organes sociaux et ne peuvent engager la société à l'égard des tiers.
Délégation du pouvoir de représentation
Les statuts peuvent conférer à un ou plusieurs administrateurs, délégués à la gestion journalière ou membres du comité de direction, agissant seuls ou conjointement, le pouvoir de représenter la société dans leurs sphères de compétences respectives. De telles dispositions statutaires, communément appelées « clauses de double signature », posent de nombreuses question en pratique.
Opposabilité des délégations de pouvoirs
La clause statutaire en vertu de laquelle la gestion journalière est déléguée, la création d'un comité de direction est autorisée ou des pouvoirs sont conférés en vue de représenter la société est opposable aux tiers si elle a été publiée aux annexes du Moniteur belge. Par contre, même publiées, les restrictions apportées aux pouvoirs des organes de la société sont inopposables aux tiers de bonne foi.
Les actes portant nomination et révocation des personnes autorisées à administrer et à engager la société sont opposables aux tiers à partir du jour de leur publication par extraits aux annexes du Moniteur belge ou du jour auquel ces tiers en avaient eu antérieurement connaissance si la société le prouve. Les tiers peuvent se prévaloir des actes dont la publicité n'a pas été effectuée.
L'accomplissement des formalités de publicité relatives aux personnes qui, en qualité d'organe de la société, ont le pouvoir de l'engager, rend toute irrégularité entachant leur nomination inopposable aux tiers, à moins que la société ne prouve que ces tiers en avaient connaissance ou, selon une partie de la doctrine, qu'ils ne pouvaient l'ignorer.