25/11/24

Transmission des procédures pénales : vers une lutte plus efficace contre la criminalité transfrontière

Le règlement relatif à la transmission des procédures pénales [1] (ci-après le « Règlement ») vise « à favoriser une bonne administration de la justice pénale et de la rendre plus efficiente » [2] mais également à « lutter de manière efficiente contre la criminalité transfrontière » [3] tout en respectant les droits fondamentaux. Le Règlement a été approuvé par le Conseil de l’Union européenne le 5 novembre 2024 suite à la proposition adoptée par la Commission européenne le 5 avril 2023.

Dans un contexte où les entreprises internationales et les institutions financières évoluent entre plusieurs juridictions, ce nouvel instrument permettra de mieux anticiper et gérer les situations de doubles poursuites ou de conflits de compétence. En consolidant les enquêtes au sein d’une seule juridiction, le règlement limite les impacts d’une multiplicité de procédures, renforçant ainsi la sécurité juridique et offrant un cadre plus efficace pour traiter les infractions financières complexes.

Les critères et conditions de mise en œuvre d’une demande de transmission d’une procédure pénale sur base du Règlement sont résumés ci-dessous :

Autorités et personnes pouvant demander la transmission

  • Un juge, une juridiction, un juge d’instruction ou le ministère public de l’Etat requérant compétent dans l’affaire concernée ;
  • Toute autre autorité compétente désignée comme telle par l’État requérant ;

Le suspect, une personne poursuivie ou une victime peut également demander aux autorités compétentes de l’État requérant ou de l’État requis que la procédure pénale soit transférée conformément au Règlement [4].

Critères pour demander la transmission d’une procédure pénale

L’autorité qui demande le transfert de la procédure estime que l’objectif d’une administration efficace et correcte de la justice, y compris la proportionnalité, serait mieux servi si la procédure pénale concernée était menée dans un autre État membre. Dans son appréciation, elle tient compte notamment des critères suivants :

  • l’infraction pénale a été commise, en tout ou en partie, sur le territoire de l’État requis ou la plupart de ses effets ou une part importante du dommage faisant partie des éléments constitutifs de l’infraction pénale sont survenus sur le territoire de l’État requis ;
  • un ou plusieurs suspects ou une ou plusieurs personnes poursuivies sont des ressortissants ou des résidents de l’État requis ;
  • le suspect ou la personne poursuivie se trouve dans l’État requis et cet État refuse de remettre cette personne à l’État requérant [5] ;
  • un ou plusieurs suspects ou une ou plusieurs personnes poursuivies ayant fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen se trouvent dans l’État requis et cet État refuse de les remettre [6] ;
  • la plupart des éléments de preuve pertinents pour l’enquête se trouvent dans l’État requis ou la majorité des témoins concernés résident dans cet État ;
  • une procédure pénale est en cours dans l’État requis pour les mêmes faits ou d’autres faits contre le suspect ou la personne poursuivie ;
  • une procédure pénale est en cours dans l’État requis pour les mêmes faits, pour des faits en partie identiques ou pour ou des faits connexes contre d’autres personnes ;
  • un ou plusieurs suspects ou une ou plusieurs personnes poursuivies purgent ou doivent purger une peine privative de liberté dans l’État requis ;
  • l’exécution de la peine dans l’État requis est susceptible d’améliorer les perspectives de réinsertion sociale de la personne condamnée ou il existe d’autres raisons pour lesquelles l’exécution de la peine dans l’État requis serait plus appropriée ;
  • une ou plusieurs victimes sont des ressortissants ou des résidents de l’État requis ;
  • les autorités compétentes des États membres sont parvenues à un consensus, au titre de la décision-cadre 2009/948/JAI [7] ou à un autre titre, sur la concentration des procédures pénales dans un État membre.

Les droits du suspect ou de la personne poursuivie

Avant d’émettre une demande de transmission d’une procédure pénale, l’autorité requérante tient compte des intérêts légitimes du suspect ou de la personne poursuivie, y compris des aspects liés à la justice réparatrice.

Les droits de la victime

Avant d’émettre une demande de transmission d’une procédure pénale, l’autorité requérante tient compte des intérêts légitimes de la victime, y compris des aspects liés à la justice réparatrice.

Droit à un recours juridictionnel

Les suspects, les personnes poursuivies et les victimes ont droit à un recours juridictionnel effectif [8] dans l’État requis contre une décision d’accepter le transfert d’une procédure pénale. Le délai pour former un recours ne doit pas excéder 15 jours à compter de la date de réception de la décision motivée d’accepter le transfert de la procédure pénale.

Procédure de demande de transmission d’une procédure pénale

La demande de transmission d’une procédure pénale doit être dûment motivée et est établie au moyen du formulaire figurant en annexe du Règlement et qui comporte notamment les informations suivantes :

  • les informations relatives à l’autorité requérante ;
  • une description de l’infraction pénale faisant l’objet de la procédure pénale et les dispositions applicables du droit pénal de l’État requérant ;
  • les raisons pour lesquelles la transmission est nécessaire et appropriée ;
  • les informations nécessaires disponibles sur le suspect ou la personne poursuivie et la victime ;
  • une évaluation de l’incidence du transfert de la procédure pénale sur les droits du suspect ou de la personne poursuivie et de la victime ;
  • des informations sur les actes ou mesures de procédure ayant une incidence sur la procédure pénale qui ont été entrepris dans l’État requérant ;
  • toutes conditions spécifiques applicables au traitement des données à caractère personnel.

Retrait de la demande

L’autorité requérante peut retirer la demande de transfert d’une procédure pénale à tout moment avant de recevoir la décision de l’autorité requise d’accepter ou de refuser le transfert de la procédure pénale.

Délais

L’autorité requise communique à l’autorité requérante sa décision d’accepter ou non le transfert de la procédure pénale sans retard injustifié et, en tout état de cause, au plus tard 60 jours après la réception de la demande. Ce délai peut être prolongé de 30 jours maximum.

Effets

A la réception de la décision motivée d’accepter le transfert d’une procédure pénale ou de la décision définitive concernant un recours juridictionnel, la procédure pénale est suspendue ou close dans l’État requérant. La procédure pénale transmise est régie par le droit national de l’État requis.

Tout acte accompli aux fins de la procédure pénale ou de l’instruction menée par les autorités compétentes dans l’État requérant a la même validité dans l’État requis que s’il avait été valablement accompli par ses propres autorités.

Les éléments de preuve transmis par l’autorité requérante ne peuvent être déclarés irrecevables dans le cadre de la procédure pénale menée dans l’État requis au seul motif qu’ils ont été recueillis dans un autre État membre.

Étapes suivantes

Le Règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

[1] Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à la transmission des procédures pénales.

[2] Article 1er du Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à la transmission des procédures pénales.

[3] Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à la transmission des procédures pénales, (5).

[4] Les demandes ainsi présentées ne créent pas d’obligation pour l’État requérant ou l’État requis de transmettre une procédure pénale à l’État requis ou de formuler une demande en ce sens.

[5] Lorsque ce refus ne repose pas sur une décision définitive dont aurait fait l’objet cette personne pour la même infraction pénale et qui fait obstacle à l’exercice ultérieur de poursuites pénales.

[6] S’il constate, dans des situations exceptionnelles, qu’il existe des motifs sérieux de croire, sur la base d’éléments de preuve précis et objectifs, que la remise entraînerait, dans les circonstances particulières de l’espèce, une violation manifeste d’un droit fondamental pertinent.

[7]Décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d’exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales.

[8] Prévu à l’article 17 du Règlement.

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