Le 20 juillet 2023, le projet de loi 7989 modifiant la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, de fabricant et de certaines professions libérales, telle que modifiée (ci-après la « Loi »), a été adopté par la Chambre des Députés.
La nouvelle loi a été publiée au Journal officiel le 28 août 2023 avec une entrée en vigueur des modifications au 1er septembre 2023.
L’objectif de cette nouvelle loi est d’améliorer, de moderniser, de simplifier le droit d’établissement au Grand-Duché de Luxembourg et également la digitalisation des procédures administratives à cet effet.
Les principales modifications sont les suivantes
1- La location temporaire de logements touristiques
Est inséré à l’article 1er de la Loi les termes « de manière habituelle » pour qualifier l’activité commerciale exercée, objet de l’autorisation d’établissement. Ce nouveau critère sous-tend que l’activité doit être exercée de manière répétée. Ainsi, cette répétition va notamment caractériser l’activité commerciale pour les activités de location à court terme.
Le nouveau point 19° de l’article 2 de la Loi étend la qualification professionnelle d’exploitant d’un établissement d’hébergement. Elle inclue désormais les locations à court terme et comprend toute personne qui loue des unités d’hébergement pour une période cumulée de trois mois et plus (≥ 90 nuitées) dans l’année. Il est également inséré la définition d’« unité d’hébergement » à un nouveau point 34 dudit article 2 de la Loi.
L’objectif est de réglementer les plateformes sur internet de mise à disposition d’unité de location à courte durée type AirBnb et d’ainsi faire entrer le propriétaire dans le cadre concurrentiel et réglementaire de celui de l’exploitant d’un établissement d’hébergement.
2 - Nouvelles activités commerciales soumises à autorisation :
- L’apporteur d’affaires immobilier
Cet ajout a pour objectif de prendre en compte l’évolution des professions de l’immobilier : l’apporteur d’affaires immobilier est l’intermédiaire qui met un promoteur ou un agent immobilier en contact avec des acheteurs ou locataires potentiels d’un bien immobilier.
- « activité et services commerciaux de vente de véhicules»
- « activité et services commerciaux de commerce alimentaire »
- « activité de location d’espace de travail partagé ou de bureaux avec services auxiliaires » (« co-working »)
- « activité et services commerciaux de biens meubles de grande valeur »
L’émission d’une autorisation d’établissement spéciale pour ces activités s’inscrit notamment dans le cadre de l’harmonisation et la mise en concordance de la législation sur la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme, afin de renforcer notamment traçabilité afférente à ces nouvelles catégories étant plus exposées à ces risques (valeur de/des bien(s)/ transaction(s) ≥ 10.000 € HT).
Le nouvel article 42ter de la Loi pose un délai transitoire de deux ans à compter du 1er septembre 2023 pour se mettre en conformité (notamment les nouvelles qualifications commerciales) avec les nouvelles dispositions législatives. Dès lors, les entreprises entrant dans le champ de ces activités devront demander une nouvelle autorisation d’établissement et ce même si elles en détiennent déjà une basée sur la règlementation antérieure.
3 - Modification de l’article 4
- Présence physique du porteur d’autorisation
Est ajouté la condition de la présence physique du « dirigeant » au point 2. de l’article 4 de la Loi comme suit « assure effectivement et en permanence par une présence physique dans l’établissement la gestion journalière de l’entreprise ».
Pour donner suite aux commentaires du Conseil d’État, le critère de résidence du « dirigeant » « sur le territoire de l’Espace économique européen » a été abandonné, afin de maintenir une présence réelle du « dirigeant » par opposition à « une présence virtuelle ». Cet ajout valide la pratique constatée par l’administration et met un terme au débat sur l’éloignement du lieu de résidence du « dirigeant ».
- Lien réel avec l’entreprise commerciale au Luxembourg
Le point 3. de l’article 4 de la Loi assouplit le critère du lien réel du « dirigeant » avec l’entreprise. Un mandataire social dûment renseigné au Registre de commerce et des sociétés, Luxembourg pourra être dorénavant le porteur de l’autorisation d’établissement.
L’objectif est d’établir plus simplement le lien entre le « dirigeant » et l’entreprise. Permettre aux entreprises de se structurer plus librement ce qui offre de réelles facilités pour le démarrage ou la reprise d’une structure.
Introduction d’un nouvel article 4 bis à la Loi qui traite du nombre d’autorisations (maximum 2) qu’un « dirigeant » peut détenir concomitamment auprès de plusieurs entreprises artisanales. Cette limitation ne s’applique pas dans le cadre d’un groupe ou si le « dirigeant » détient directement ou indirectement ≥ 25% du capital social de l’entreprise.
4 - Protéger et faciliter la transmission d‘une entreprise existante
L’article 28 (1) al.2 de la Loi dans sa nouvelle mouture instaure de nouveaux contrôles et conditions pour la délivrance d’une nouvelle autorisation à la suite du changement du « dirigeant » au niveau de l’entreprise :
- être à jour concernant ses obligations en matière de déclaration(s) fiscale(s) ;
- ne doit pas avoir de dette/charge sociale et/ou fiscale supérieure(s) aux seuils prévus par la Loi ; et
- être à jour au niveau des obligations de dépôt /publications au R.C.S. Luxembourg / RESA (notamment les comptes annuels) et au RBE.
Dans le cadre d’une activité artisanale de la liste A, le texte facilite également la possibilité de transférer provisoirement l’autorisation d’établissement de l’entreprise (suite au décès, invalidité professionnelle, incapacité dûment constatée ou de départ à la retraite du « dirigeant ») à un salarié en ayant travaillé au moins 3 ans (au lieu de 10 ans préalablement).
5 - L’introduction du mécanisme de la « nouvelle chance »
L’objectif est de faciliter le droit d’entreprendre une seconde fois, le plus rapidement possible. Il faut faciliter le rebond entrepreneurial après un échec ainsi le texte consacre l’opportunité pour la personne physique de bénéficier d’une confiance renouvelée et lui permettre d’entamer une nouvelle activité.
Introduction de cette possibilité de « nouvelle chance » pour le « dirigeant » impliquée dans une faillite ou liquidation judiciaire dans les 7 cas énumérés au nouvel article 7 (calamité naturelle reconnue par l’État, perte d’un client prééminent, incapacité partielle ou totale de travail, pandémie, etc.).
A ce titre, le Ministre de l’Économie peut accorder une nouvelle autorisation à tout « dirigeant » possédant les qualifications requises à l’exercice de son activité, sur base d’un avis consultatif émis par une commission (dont la composition et le fonctionnement sont fixés par Règlement Grand-Ducal) chargée d’évaluer la viabilité de l’activité projetée.
6 - Tenir compte des évolutions techniques
L’un des objectifs est de faire évoluer le droit d’établissement face aux évolutions des pratiques technologiques / techniques Le principe de l’autorisation est maintenu mais celui-ci est simplifié grâce à la digitalisation de la procédure de délivrance (transmission en ligne via le portail d’échange de l’État) et à l’échange automatique de certaines informations entre les administrations (exemple de l’échange automatisé entre le RBE et le Ministère de l’Économie dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ou entre l’AED et de la TVA et le Ministre de l’Économie etc.).
A titre d’exemple, le nouveau §2 de l’article 28 de la Loi qui impose l’obligation de notifier endéans le mois au Ministre de l’Économie les succursales ou point(s) de vente de l’entreprise. Cette notification ne donne pas lieu à l’émission d’une autorisation supplémentaire quand un lieu d’exploitation fixe préexiste au Luxembourg et possède déjà une telle autorisation. Il conviendra uniquement d’ajouter en ligne la nouvelle succursale ou le nouveau point de vente (via le portail d’échange de l’État comme pour la notification).
Également mise en place d’un code-barres à afficher sur le site de l’entreprise et de chaque point de vente afin de permettre à chaque personne de vérifier si l’entreprise satisfait aux conditions administratives de l’exercice de son activité.
L’article 5 de la Loi consacre également la possibilité de conservation digitale des données légales et comptables de l’entreprise avec uniquement une obligation de « rendre accessible à tout moment » ces derniers.
7 - Ajout d’une liste C pour la simplification d’accès à certaines activités artisanales
L’objectif est de réagir et de s’adapter aux évolutions de la pratique et apporter une « flexibilisation nécessaire au dynamisme » du secteur artisanal en facilitant notamment la recherche d’un « dirigeant ». En effet, l’exercice d’une activité artisanale relevant de la liste C ne requérant pas de qualification professionnelle particulière ou l’obtention de garantie financière, aucun plafond d’autorisation n’est fixé et ces activités ne peuvent pas bénéficier des dispositions de renouvellement de 6 mois supplémentaires de l’autorisation d’établissement en cas de départ du « dirigeant » (comme pour l’activité et services commerciaux de vente de véhicules / activité de co-working / activité et services commerciaux de commerce alimentaire/ activité et services commerciaux de biens meubles de grande valeur).
8 - Ajout et renforcement des cas constitutifs de manquements affectant l’honorabilité professionnelle (exemple du défaut de procéder aux déclarations fiscales relatives à 2 exercices subséquents sur une période triennale, etc.)