Les juridictions du travail sont des juridictions d’exception qui ne peuvent connaître que des affaires qui leur sont réservées par la loi et plus particulièrement par l’article 25 du NCPC.
Il y a, dès lors, lieu d’examiner si les parties sont liées par un contrat de travail tel que défini par la jurisprudence luxembourgeoise suivant laquelle le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération.
L’existence d’un contrat de travail ne dépend pas de la qualification que les parties ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité du salarié.
En principe, il appartient à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve. Cependant, dans l’hypothèse d’un contrat de travail apparent il incombe à celui qui conteste l’existence d’un lien de subordination d’établir le caractère fictif du contrat.
En l’espèce, les parties ont signé deux documents intitulés « contrat de travail à durée indéterminée », d’abord en date du 17 octobre 2014 et ensuite en date du 30 janvier 2015, qui reprennent la nature de l’emploi, un horaire à plein temps et une rémunération brute mensuelle sous déduction des charges légales.
Le fait que les contrats ne précisent pas d’horaire journalier précis n’est, devant la précision de la durée de travail hebdomadaire, pas de nature à contredire leur caractère d’apparence.
Il s’ensuit qu’il n’appartient pas au salarié d’établir l’existence d’un contrat de travail, mais il appartient à l’appelante, qui conteste la validité des contrats, d’en rapporter le caractère fictif.
Cette preuve ne résulte pas de la seule qualité d’associé d’une société anonyme, cette qualité n’étant pas nécessairement exclusive de celle de salarié. Il n’est pas non plus allégué, ni a fortiori établi, que A avait un mandat social dans la société.
Le fait que A a, devant les promesses de l’appelante de lui régler son dû, attendu un certain temps pour réclamer les arriérés de salaires n’est pas non plus de nature à permettre de conclure à son caractère fictif, d’autant plus que l’intimé soutient, pièce à l’appui, qu’il a hérité d’une importante somme, de sorte qu’il n’était pas dans un besoin immédiat d’argent.
Les éléments du dossier ne permettent pas non plus de conclure à l’absence d’un lien de subordination.
Au contraire, il résulte des attestations testimoniales de T2, T3 et T1, qui sont toutes à prendre en considération, alors que le fait pour les témoins d’indiquer connaître personnellement une personne n’est pas de nature à permettre de conclure à l’impartialité des témoins, que A a effectivement travaillé pour le compte de l’appelante sous un lien de subordination.
Ainsi T2, qui en tant que retraité ayant beaucoup de temps libre a passé de nombreuses heures/jours dans les bureaux de la société, atteste qu’B a donné des instructions à A pour trouver des terrains, s’occuper de la comptabilité ou préparer des virements. D’après ce témoin, B lui a également donné des instructions pour se rendre avec deux clients auprès de la société S2 avec laquelle la SA S1 travaillait.
T3, qui s’est également rendu plusieurs fois par mois dans les bureaux de la société S1 au cours de la période concernée, a constaté que A s’est occupé de la préparation
de la comptabilité et du classement des documents de caisse. Le témoin ajoute qu’il a entendu B ordonner à A de contacter des clients, de fixer des rendez-vous et des visites de lieux.
T1, qui au cours de la période de fin 2014 à début 2016, s’est rendu une trentaine de
fois au bureau de la faillie, affirme avoir aidé A à rédiger des lettres ou remplir des formulaires. Il a précisé que A s’est occupé des clients et a reçu, à maintes reprises, des ordres de la part du directeur de la société, B, en relation avec des rendez-vous avec des clients, des entretiens avec la société S2 ou la préparation de documents pour la comptabilité.
Le fait qu’B a démissionné de son poste d’administrateur unique de la société S1 ne l’empêchait pas d’avoir exercé la fonction de directeur de la société et de supérieur hiérarchique de A.
Il suit des développements qui précèdent que la juridiction de première instance est à confirmer en ce qu’elle a retenu que la société S1 n’a pas rapporté la preuve du caractère fictif de la relation de travail entre parties.
La juridiction du travail est encore à confirmer, par adoption de ses motifs, en ce qu’elle a retenu que A a droit au montant de 29.325 euros à titre d’arriérés de salaires résultant du décompte par lui versé en cause, le curateur de la société en faillite ne démontrant pas que les salaires ont été réglés à A.
En raison de la faillite de la SA S1, il n’y a pas lieu de confirmer la condamnation prononcée à l’encontre de l’appelante, mais de fixer la créance de A au montant précité. (C.S.J., III, 12/07/2018, 44876).