La loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil (ci-après, la « Nouvelle Loi ») entre en vigueur ce jeudi 1er mars 2018. Sauf exceptions expressément prévues par la Nouvelle Loi, elle s’applique tantaux contrats de baux commerciaux en cours (i.e. à ceux conclus avant le 1er mars 2018) qu’aux futurs contrats.
Découvrez ci-dessous la 2nde partie de nos commentaires sur les changements apportés par la Nouvelle Loi, laquelle modifie les articles 1762-3 à 1762-8 du Code Civil (CC) et ajoute de nouveaux articles (cf. 1762-9 à 1762-13 CC). Retrouvez la 1ère partie de nos commentaires ici.
DÉCÈS DU PRENEUR
En cas de décès d’un preneur commerçant, industriel, artisan ou fermier, le contrat de bail commercial est maintenu dans le chef du repreneur à condition que :
- ce dernier maintienne l’exploitation commerciale, industrielle, artisanale ou agricole ; et
- qu’il y ait un lien de famille jusqu’au 5ème degré inclusivement avec le repreneur défunt ou que le repreneur soit le conjoint ou le concubin du preneur défunt (cf. art. 1762-8 CC).
RENOUVELLEMENT DU BAIL
Les règles concernant le renouvellement des baux commerciaux sont quelque peu chamboulées par la Nouvelle Loi.
Celle-ci autorise en effet le preneur à demander le renouvellement du bail commercial avec effet à la fin de celui-ci, et ce peu importe la durée d’occupation effective des lieux loués (cf. art. 1762-10 CC). Pour rappel, l’ancien art. 1762-4 CC limitait le droit au renouvellement à « tout locataire d'un immeuble à destination commerciale qui par lui ou ses ayants droit y exploit(ait) un fonds de commerce depuis plus de trois ans » et interdisait au preneur de faire valoir ce droit « au-delà de la quinzième année de la location ».
Toute clause d’un contrat de bail écrit refusant le droit au renouvellement au preneur est nulle de plein droit de sorte que les parties ne sont pas admises à pouvoir écarter contractuellement ce droit.
La demande en renouvellement doit être formulée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au bailleur, sous peine de déchéance, au moins 6 mois avant l’expiration du contrat de bail. Le bailleur a alors 3 mois à partir de la réception de la demande pour faire connaître son avis (cf. art. 1762-10 CC).
La demande en renouvellement peut être refusée par le bailleur (i) aux fins d’occupation personnelle des lieux loués, par lui ou par ses descendants au 1er degré, (ii) en cas d’abandon de toute location des lieux loués aux fins d’activité identique ou (iii) en cas de reconstruction ou de transformation de l’immeuble loué (cf. art. 1762-11 CC).
Dans l’hypothèse où le locataire occuperait les lieux loués depuis plus de 9 ans au moment de la demande en renouvellement, le bailleur peut également s’opposer au renouvellement, sans devoir fournir de justification, en payant au preneur une indemnité d’éviction. Le refus de renouvellement pourra également être opposé par le bailleur si un tiers verse l’indemnité d’éviction au preneur avant la fin du bail (cf. art. 1762-12 (1) CC). A défaut de clause contractuelle définissant le montant de l’indemnité d’éviction ou d’accord entre les parties au moment du renouvellement, il appartiendra au juge de fixer le montant de ladite indemnité « sur base de la valeur marchande du fonds de commerce pour l’activité en question » (cf. art. 1762-12 (2) CC).
RECONDUCTION TACITE
La Nouvelle Loi prévoit que tout contrat de bail commercial à durée déterminée « qui vient à cesser pour n’importe quelle cause, est tacitement reconduit pour une durée indéterminée, sans préjudice toutefois de la possibilité pour le bailleur de signifier un congé » (cf. art. 1767-7 (2) CC).
Un contrat de bail commercial à durée déterminée, arrivé au terme convenu sans résiliation anticipée d’une des parties ni demande de renouvellement du preneur sur base de l’artice 1762-10 CC, est ainsi tacitement reconduit pour une durée indéterminée.
Afin de faire obstacle à cette reconduction tacite, le bailleur est autorisé à résilier anticipativement le bail commercial avant le terme convenu (cf. arts 1762-11 et 1762-12 CC) :
- A tout moment de l’exécution du bail et en respectant un préavis de 6 mois, s’il se trouve dans un des 3 cas de l’article 1762-11 CC mentionnés ci-avant ;
- Après la 9ème année d’exécution du bail et en respectant un préavis de 6 mois, à condition que le preneur reçoive une indemnité d’éviction avant la fin du bail;
- A tout moment de l’exécution du bail et avec effet immédiat, en cas d’inexécution de ses obligations contractuelles par le preneur.
Dans l’hypothèse où le contrat de bail serait tacitement reconduit, le bailleur pourra mettre fin au nouveau contrat à durée indéterminée en utilisant, si les conditions sont réalisées, l’une des 3 options de résiliation ci-dessus.
SURSIS AU DÉGUERPISSEMENT
La Nouvelle Loi supprime le sursis commercial de deux fois 6 mois maximum que le juge pouvait jusqu’alors accorder au preneur et le remplace par le sursis à exécution d’une éventuelle décision de déguerpissement que le tribunal pourrait prononcer sur demande du bailleur (cf. art. 1762-9 CC).
A la requête du preneur ou du sous-locataire commerçant, le juge de paix pourra ainsi ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision judicaire de déguerpissement le concernant.
Le sursis à exécution ne pourra dépasser 9 mois et ne sera accordé qu’aux conditions cumulatives suivantes :
- tous les loyers et avances sur charges échus et dus par le preneur sont réglés au jour de l’introduction de la demande en sursis ; et
- le sursis doit permettre au preneur de trouver un autre immeuble en vue de poursuivre son activité et de répondre à ses obligations découlant des contrats de travail avec ses éventuels salariés.
La décision judiciaire autorisant le sursis au déguerpissement forcé du locataire ne sera pas susceptible d’opposition ou d’appel.
DROIT DE PRÉEMPTION DU PRENEUR
Le preneur, dont le bail court depuis au moins 18 ans, bénéficie dorénavant d’un droit de préemption en cas de vente des lieux loués, à moins que ceux-ci ne fassent l’objet d’une vente par adjudication publique ou qu’ils ne soient cédés à un membre de la famille du bailleur parent ou allié jusqu’au 3ème degré inclusivement ou qu’ils ne fassent l’objet d’une cession gratuite (cf. futur 1762-13 CC).
Ce droit de préemption est reconnu à condition que le preneur loue l’intégralité de l’immeuble dans lequel se trouvent les lieux loués ou que ces derniers soient placés sous le régime de la copropriété.
En pratique, le bailleur devra adresser au preneur l’offre de vente des lieux loués par courrier recommandé avec accusé de réception. Dans cette offre, il se devra d’avertir le preneur qu’il a le droit de faire une contre-proposition. Le preneur disposera alors d’un délai d’1 mois pour user de son droit et faire éventuellement une contre-proposition (son silence valant refus de l’offre). Ce délai sera toutefois prorogé d’1 mois supplémentaire si le preneur a formulé une demande en obtention d’un prêt auprès d’un établissement financier établi dans l’Union Européenne. En cas de contre-proposition du preneur dans les délais susvisés, les lieux loués ne pourront être vendus à un tiers qu’à un prix supérieur à celui offert par le preneur.
En cas de vente des lieux loués à un tiers en dépit du droit de préemption existant dans le chef du preneur, le preneur lésé sera fondé à réclamer au vendeur des dommages-intérêts, lesquels ne pourront être inférieurs au montant des loyers d’1 année.