Le 1er juin 2017, la Cour administrative a rendu son arrêt, portant le numéro 38930C du rôle, dans une affaire très importante relative à une condamnation de l’entreprise Post pour abus de position dominante. Le Conseil de la concurrence avait infligé par sa décision du 13 novembre 2014 (n° 2014-F0-07), à Post une amende de 2.520.000 euros.
Le Tribunal administratif censurant, par son jugement du 21 novembre 2016 (n° 35847a du rôle), la décision du Conseil de la concurrence, l’État a interjeté appel. La Cour administrative vient de confirmer le jugement de première instance.
La Cour confirme la décision antérieure du Tribunal administratif concernant le non-respect du délai raisonnable dans le cas d’espèce. En effet, la première communication des griefs n’a lieu qu’en 2014, donc huit ans après la première plainte à l’encontre de Post et l’annulation en 2008 des mesures conservatoires. Les juges estiment que de telles affaires nécessitent une intervention de la part du Conseil de la concurrence à brève échéance en vue de protéger les autres acteurs du marché et de répondre à une situation actuelle en sachant qu’il s’agit d’un domaine technologique et économique extrêmement évolutif. Toutefois, il convient de noter que de manière isolée le dépassement du délai raisonnable n’est pas de nature à entraîner l’annulation de la procédure menée. Ce sont des irrégularités multiples sur la toile de fond de ce dépassement qui sont à l’origine de l’annulation de la décision du Conseil de la Concurrence.
Il en résulte que même le Conseil de la concurrence a intérêt à respecter le droit à ce qu’un procès se déroule dans un délai raisonnable, droit consacré par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En ce qui concerne les demandes de renseignements, il convient d’abord de noter que, sous peine de nullité, ces demandes doivent indiquer la base juridique et le but les sous-tendant, et encore les sanctions prévues au cas où un renseignement inexact ou dénaturé serait fourni. Or, les demandes de renseignements adressées à l’entreprise visée ne contenaient pas ces informations essentielles. Dans ce contexte, la Cour a précisé qu’il ne suffit pas que l’entreprise visée aurait été bien au courant dans quel dossier la demande de renseignements lui avait été adressée et aurait bien saisi la portée de celle-ci par rapport aux informations y demandées.
Par ailleurs, dans la mesure où le but poursuivi par la demande de renseignements, de même que l’indication des sanctions encourues en cas de fourniture d’un renseignement inexact ou dénaturé, sont à entrevoir de manière globale, il est inutile d’établir un lien causal entre la demande de renseignements et le grief finalement retenu par l’autorité de décision afin de sous-tendre sa décision de condamnation. Cet élément a à son tour conflué dans la décision globale d’annuler la décision critiquée du Conseil de la concurrence.
Quant à la détermination du marché pertinent, Le Conseil de la concurrence ayant repris les définitions de marché retenues par l’Institut Luxembourgeois de Régulation, la Cour exige l’existence d’une analyse propre ainsi que « une analyse concrète effectuée ex post sur base de la situation effective sur le terrain durant les deux années en question en relation avec l’absence éventuelle d’un pareil marché spécifique des offres multi-produits ». Dans une situation concurrentielle et un marché extrêmement évolutif, il aurait appartenu au Conseil de mener une telle analyse en dégageant les éléments permettant de définir/caractériser une pareille marche spécifique.
L’argument susmentionné constitue un volet essentiel et considérable de la décision d’annulation prononcé par le Tribunal administratif dans la mesure où cette définition du marché est à la base des raisonnements ultérieurs.
En conclusion, le Conseil de la concurrence doit faire respecter les garanties procédurales lors de ses enquêtes, procéder à une application stricte du droit et mener une analyse propre afin de déterminer le marché pertinent. Le Conseil de la concurrence n’ayant pas respecté ces obligations dans l’affaire en cause, la Cour administrative a confirmé à bon escient le jugement de première instance.