07/12/16

La résiliation pour faute grave de l'employeur n'empêche pas le paiement des indemnités de préavis et de départ

A l’occasion de deux arrêts rendus le 8 juillet 2016, la Cour constitutionnelle a été saisi de deux questions préjudicielles relatives au versement de diverses indemnités de rupture du contrat de travail à l’occasion d’une résiliation aux torts de l’employeur. En l’espèce, un salarié ayant démissionné de son emploi en raison de la faute grave de son employeur a saisi la juridiction du travail d’une demande en indemnisation et a saisi la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes :

1) L’article L. 124-6 du Code du travail qui prévoit le droit à une indemnité de préavis pour les salariés licenciés par leur employeur avec effet immédiat et dont le licenciement est jugé abusif par la suite est-il conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas la même indemnité pour les salariés à l’initiative d’une résiliation de leur contrat de travail pour faute grave de l’employeur et dont la résiliation est jugée justifiée et fondée ?

2) L’article L. 124-7 du Code du travail qui prévoit le droit à une indemnité de départ pour les salariés licenciés par leur employeur avec effet immédiat et dont le licenciement est jugé abusif par la suite par la juridiction du travail est-il conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas la même indemnité pour les salariés à l’initiative d’une résiliation de leur contrat de travail pour faute grave de l’employeur et dont la résiliation est jugée justifiée et fondée ?

La Cour constitutionnelle, dans deux arrêts rendus le 8 juillet 2016, rappelle que la mise en œuvre du principe d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure invoquée. En outre, elle rappelle que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives et qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

Or, la Cour remarque que « seul le salarié licencié abusivement avec effet immédiat par son employeur peut prétendre aux indemnités de préavis et de départ prévues respectivement aux articles L. 124-6 et L. 124-7 du Code du travail, tandis que le salarié qui a démissionné de façon justifiée pour faute grave de l’employeur ne peut se voir allouer que des dommages intérêts sur base de l’article L. 124- 10 du même code ». Elle relève de surcroît « qu’à la différence des dommages-intérêts, dont l’allocation présuppose la preuve de l’existence d’un préjudice en relation causale avec la rupture de la relation de travail, l’indemnité compensatoire de préavis et l’indemnité de départ sont des indemnités forfaitaires revenant au salarié du seul fait du caractère abusif du licenciement avec effet immédiat ».

Au regard des dispositions analysées, la Cour constitutionnelle conclut que le salarié qui a résilié son contrat de travail avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur, et dont la résiliation est déclarée justifiée par la juridiction du travail, se trouve dans une situation comparable au salarié dont le licenciement avec effet immédiat par l’employeur a été déclaré abusif par la juridiction du travail. Par conséquent, le fait de ne pas accorder le bénéfice des indemnités de préavis et de départ au salarié ayant résilié son contrat de travail aux torts de l’employeur institue entre ces deux catégories de salariés, se trouvant dans des situations comparables, une différence de traitement qui ne procède pas de disparités objectives et qui n’est pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. 

Il y a donc lieu, selon la Cour constitutionnelle, de dire que les articles L. 124- 6 et L. 124-7 du Code du travail ne sont pas conformes au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution et d’allouer les indemnités de préavis et de départ au salarié ayant résilié son contrat pour faute grave de son employeur. 

CE QU’IL FAUT RETENIR 

« le salarié qui a résilié son contrat de travail avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur, et dont la résiliation est déclarée justifiée par la juridiction du travail, se trouve dans une situation comparable au salarié dont le licenciement avec effet immédiat par l’employeur a été déclaré abusif par la juridiction du travail. Par conséquent, le fait de ne pas accorder le bénéfice des indemnités de préavis et de départ au salarié ayant résilié son contrat de travail aux torts de l’employeur institue entre ces deux catégories de salariés, se trouvant dans des situations comparables, une différence de traitement qui ne procède pas de disparités objectives et qui n’est pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. » 

Cour constitutionnelle, 8 juillet 2016, n°123/16 du registre, Mémorial A – N°127 du 15 juillet 2016 ; Cour constitutionnelle, 8 juillet 2016, n°124/16 du registre, Mémorial A – N°127 du 15 juillet 2016

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